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X 2198, de Jean Bollack

Par Florence Trocmé

sur les X de Jean Bollack

X 2198. 11 octobre 2007

Philippe Lacoue-Labarthe estimait que les poèmes de Celan étaient « intraduisibles » (et se soustrayaient même « au commentaire », ce qui se soutient moins) ; Henri Meschonnic le corrige. J’ai autrefois assez longuement mis en relief les préjugés théologiques de Lacoue-Labarthe (voir le chapitre sur « Tübingen, Janvier » dans Poésie contre poésie, passsim)1 ; sur ce point, il faut bien admettre que la question se pose, et pas dans la pratique seulement. Meschonnic répond qu’avec l’intraduisible, on sortirait de l’empirique ; or l’empirie sait s’affirmer complètement.

En un sens la paronomase n’est jamais traduisible, du moins si l’on cherche à maintenir la tension qu’elle établit dans la langue entre un sens et l’élargissement sémantique des rapprochements phoniques, selon la figure de l’ « étymologie », qui dit vrai. Ainsi l’analyse du nom d’ « Hélène » dans Eschyle fait de la femme une « destructrice de navires », « Hele-nas » (Agamemnon, vers 689) ; c’est ce qu’explorent les langages proprement idiomatiques qui demandent un apprentissage particulier, comme chez Homère. Au lycée (il y a un temps), avec la lecture d’Homère à laquelle les élèves étaient initiés, ils découvraient, en fin de parcours, que ce n’était pas grec. Les « interprètes » heideggériens, ou exégètes, (les « Ausleger » que dénonce Meschonnic, précisément), le récusent ou l’ignorent parce que le particulier ne s’accorde pas à la langue innée et héritée. Il n’est pas « empirique » ; cependant un idiome, comme le « celanien » dans les poèmes de Celan, inclut et intègre tous les niveaux du langage, anciens et modernes, dont aussi « l’ordinaire ». Il serait plutôt « savant », reposant sur une convention artistique, collective ou personnelle. La thèse de Lacoue-Labarthe est bien distincte, dans ses références et leur application.

©Jean Bollack, tous droits réservés

contribution de Tristan Hordé



1 Jean Bollack, Poésie contre poésie. Celan et la littérature, Presses Universitaires de France, 2001.


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