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La Peau - Curzio Malaparte

Par Woland

La Pelle Traduction : René Novella

Moins dense que le magistral "Kaputt", dédié à la fin d'une certaine Europe, "La Peau" traite du débarquement de l'armée américaine en Italie, opération qui débuta pendant l'été 1943 avec la libération de la Sicile. Mais c'est à Naples - Naples exangue, Naples affamé, Naples livré aux vainqueurs - que Malaparte nous entraîne dès les premières pages, à la suite de soldats américains, Blancs et Noirs, découvrant un monde où, pour eux, tout est mystère.

Mystère l'indifférence avec laquelle cette toute jeune fille dévoile sa virginité devant une assemblée de militaires que son père (ou son oncle) a rassemblés dans sa chambre. Mystère que les naines si laides du Pendano di Santa Barbara qui trouvent cependant très vite preneur dans le monde de la prostitution. Mystère - encore plus tragique peut-être - que ces mères immondes qui vendent leurs petits garçons et leurs petites filles aux soldats marocains venus avec les troupes du commandant Lyautey. Mystère que la torpeur assouvie du Vésuve, véritable dieu antique vers qui monte le petit peuple, bannières religieuses et curés en tête, pour lui offrir présents et animaux sacrifiés.

Mystère et horreur du "Vent Noir", ce vent de Mort qui rappelle à l'écrivain le spectacle de juifs crucifiés par les Nazis en Pologne. Mystère et horreur pour la fin du chien de Malaparte - âmes sensibles, passez votre chemin comme je l'ai fait.

Humour, noir bien sûr, lors du dîner du général Cork, quand une certaine puérilité made in USA, qui prend tout au pied de la lettre, se trouve confrontée aux réalités d'un peuple plusieurs fois centenaire. Ou encore lors du "Triomphe de Clorinde", où l'auteur restitue à sa manière incomparable la fraternité naturelle unissant la haute noblesse et la plèbe napolitaine.

Mais aussi des moments lourds, glauques, malsains, à la limite du fantastique, comme la cérémonie uraniste à laquelle assistent Malaparte et un ami américain. Ou encore le tribunal imaginaire des Foetus où l'écrivain déprimé croit voir s'agiter et parler un Mussolini que, finalement, il absout.

Car la lucidité de Malaparte est aussi fidèle au rendez-vous lorsqu'il clame son mépris pour "les héros du lendemain", ceux qui ne se seront jamais battus, ceux qui auront fait le dos rond sous l'Occupant mais qui, bien à l'abri derrière les Shermans américains, s'auto-proclameront seuls vainqueurs - et seuls vrais patriotes.

Un livre plus amer, moins trépidant que le merveilleux "Kaputtt." Mais un livre presque aussi puissant où l'on retrouve avec bonheur le style coloré et ample d'un écrivain visionnaire. ;o)


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