Retour sur Saint Genet, comédien et martyr. Ce
livre monumental, brillant, parfois fulgurant, écrasant, dont
j'ai parlé ici .
A la réflexion, j'ai quelques réserves.
Ça convainc. Mais ça ne convainc pas tout à
fait.
C'est un peu, si vous voulez, comme ces
explications des économistes qui décortiquent a
posteriori les mécanismes d'une crise ou d'une flambée.
Tout se tient. Tout apparaît dans une logique parfaite, il ne
reste plus une seule zone d'ombre, tout fait système. Après.
Mais avant, personne n'avait prévu ça, personne n'y
comprenait rien.
L'intelligence de Sartre détaille une
construction fine, méticuleuse, complexe et logique qu'il
appelle Genet. Mais ça ne résout pas la question du
talent. D'autres se sont trouvés dans la même
situation que Genet, et ne se sont pas retrouvés grand
écrivain français du XXème siècle.
C'est que justement, la situation n'était
pas la même ou qu'ils n'étaient pas doués de
la même force mentale, de la même ambition, de la même
révolte, du même amour des mots que Genet ? Ce que
Sartre appelle la liberté ? Voici justement le mystère...
Ce qui échappe à l'explication, ce que Sartre avec son
impressionnante intelligence ne peut expliquer.
Qu'est-ce que la liberté d'un homme? Qu'est-ce
qui lui fait choisir soudain une voie plutôt qu'une autre?
Qu'est-ce qui fait, finalement, alors que nous avons tous cette
liberté si j'ai bien compris Sartre, que deux personnes dans
la même situation, avec un passé semblable, pourraient
faire des choix différents?
Qu'est-ce que c'est, en bref, au-delà des
circonstances qui le modèlent, que le Moi?