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Les Wapshot - John Cheever

Par Woland

The Wapshot Chronicle Traduction : Geneviève Naudin

Attention : amateurs d'action rythmée, s'abstenir ! "Les Wapshot", dont les héros ressemblent beaucoup, d'après ce que j'ai cru lire dans la biographie de leur auteur, à la famille dont celui-ci était issue, peut se définir comme une espèce de longue flânerie littéraire avec, pour trame, la grandeur et la décadence d'une génération.

De-ci, de-là, une touche d'humour grinçant ou grivois vient relever un peu la sauce mais c'est plutôt rare. Le plus souvent, Cheever s'en tient à une ironie voilée et douce, un peu nostalgique, qui évoque le parler monocorde d'un comédien jouant "à blanc."

Ce qui donne au lecteur une très étrange impression de recul et même, dans certains cas, la sensation de ne pas être directement concerné. On a, en effet, bien du mal à s'accrocher aux personnages et, lorsqu'on y parvient, quelque chose se passe qui hop ! vous fait perdre toute prise sur le caractère choisi et vous réexpédie à terre, avec comme seules possibilités, ou bien l'abandon instantané des "Wapshot", ou bien une nouvelle tentative pour déterminer clairement ce que ce texte réfractaire peut bien avoir dans son ventre de papier et d'encre.

Le style comporte de très belles images poétiques et rappelle un fleuve. Non pas le fleuve tonitruant, excessif, exténuant et pourtant tonifiant, roulant sa rocaille et ses alluvions, du grand Thomas Wolfe, mais un fleuve au débit singulièrement indolent, qui se resserre par endroits, stagne, fait mine de vouloir se mettre en crûe et puis en revient à une course sage et vaguement narquoise vers le mot de la fin.

Au centre, une génération de Wapshot : Léandre, le père, dépend financièrement de sa cousine Honora - le personnage le plus excentrique, sans aucune contestation possible - et, après ses échecs professionnels, occupe ses loisirs à assurer le service du ferry-boat de St Botolphs (dont, bien entendu, Honora est la seule propriétaire) ; Sarah, son épouse, une femme raffinée, altruiste et qui n'a plus aucune illusion sur son mari ; enfin, leurs deux fils, Moïse, très viril et à qui tout sourit (ou presque) et Coverly, le plus introverti (le plus proche aussi de John Cheever) qui, lui, connaîtra plus de difficultés pour s'affirmer.

Des gens banals, somme toute, qui réfrènent l'originalité susceptible de dormir en eux pour tenter désespérément d'atteindre ... Quoi, au fait ? Eh ! bien, cette chose ou cet état mystérieux, on le sent, il affleure de temps à autre au gré du fleuve mais, au moment où l'on se dit, triomphant : "Ca y est : je vais savoir !", il vous échappe, comme un poisson retournant à son élément naturel ou comme l'un des héros de John Cheever regagnant son petit nuage de personnage littéraire - et exclusivement littéraire.

Mais peut-être Cheever n'était-il pas si doué que ça pour le roman ? Après tout, ce sont ses nouvelles qui ont fait sa réputation. Je songe donc à renouveler l'expérience un de ces jours mais, cette fois-ci, avec un recueil d'histoires courtes. ;o)


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