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:: Pourquoi le mouvement trotskyste ?

Par Louis

Extrait de “Force, faiblesses et perspectives des gauchistespublié par Lutte Ouvrière en août 1969.

“La seule tendance révolution­naire, qui, à l'échelle internationale, se place réso­lument sur le terrain du prolétariat est le mouvement trotskyste.

L'Opposition de Gauche russe, dont il est issu, com­battit, dès 1923, au nom du marxisme révolution­naire, les tendances bureaucratiques qui se dévelop­paient en Union Soviétique et qui devaient aboutir à la dégénérescence du premier Etat ouvrier du monde et à la bureaucratisation de l'Internationale communiste. Au niveau de l'Internationale commu­niste ces tendances subordonnèrent tout le mouve­ment ouvrier international à la politique extérieure de l'Etat russe au nom de la défense du « socialisme dans un seul pays ». Cette politique criminelle, qui tournait le dos à la classe ouvrière et à la révo­lution mondiale, aboutit partout à des catastrophes.

L'opposition de gauche s'insurgera d'abord contre le refus par Staline et sa clique de dénoncer en 1926, la trahison des dirigeants syndicaux anglais qui avaient fait avorter une grève générale de dix jours. L'atti­tude conciliatrice des dirigeants de l'Internationale communiste vis-à-vis des bonzes syndicaux britan­niques s'expliquait exclusivement par le fait que ces derniers étaient considérés comme des « amis de TU.R.S.S. » et avaient accepté de faire partie d'un Comité syndical anglo-russe.

La bureaucratie russe cautionna la trahison de la classe ouvrière anglaise pour ne pas « effaroucher » ses « amis ».

Dans le même temps, pendant la période 1925-27, Trotsky engageait la lutte contre la politique de l'Internationale communiste en Chine où elle encensa, pendant des mois, le parti nationaliste bourgeois du KuoMing Tang dirigé par Tchang Kai Tchek (consi­déré lui aussi comme un « allié » de l'URSS) et freina toute mobilisation prolétarienne dans le pays. Mais à peine installé au pouvoir le vénérable « ami de l'URSS » qu'était Tchang massacra les communistes et les ouvriers révolutionnaires. La même analyse vaut pour l'Espagne où, là aussi, Staline appuya les forces les plus réactionnaires du camp républi­cain et fit massacrer par milliers les militants révo­lutionnaires dont les trotkystes restés fidèles à l'internationalisme et au combat par la révolution socialiste. Cette politique de la bureaucratie, qui fai­sait passer la défense des intérêts diplomatiques de l'Etat russe avant ceux de la classe ouvrière, n'avait plus rien à voir avec l'internationalisme prolétarien. Elle aboutit d'ailleurs à transformer l'Internatio­nale communiste de Parti Mondial de la Révolution qu'elle était à l'origine, en un simple instrument de la politique étrangère de l'Union Soviétique. Elle fut ensuite dissoute en 1943.

Le mouvement trotskyste est né et a grandi en oppo­sition à cette politique opportuniste. Dès sa naissance il s'est voulu, sur le plan politique et théorique, le continuateur du courant marxiste révolutionnaire tel qu'il s'était exprimé au travers de la Première, de la Seconde et de la Troisième Internationale. Et c'est pour affirmer à la fois cet héritage et sa fidélité au mouvement ouvrier qu'il prit plus tard le nom de « communiste internationaliste ». C'est cette néces­saire continuité politique qui amena Léon Trotsky à fonder, en 1938, la IVe Internationale.

A cette époque l'audience des groupes trotskystes à travers le monde était faible. Leurs effectifs res­treints. Mais pour Trotsky cette décision correspon­dait avant tout à la claire conscience qu'à la veille de la guerre mondiale qui se préparait, il était plus que jamais nécessaire de relever le drapeau de l'internationalisme et du marxisme révolution­naire qui était successivement tombé des mains des sociaux patriotes de l'Internationale Socialiste et des staliniens de la Troisième Internationale. La jeune « IVe Internationale », si faible fut-elle, était la preuve que l'internationalisme prolétarien, trahi et souillé par les partis socialistes et communistes offi­ciels vivait toujours.

Par ce biais c'est l'héritage de 100 ans de lutte, de leçons et d'expériences du mouvement ouvrier que Trotsky et ses camarades ont transmis au mou­vement révolutionnaire d'aujourd'hui.

Par ses racines historiques le mouvement trotskyste est le courant révolutionnaire le plus apte à s'appuyer résolument sur la classe ouvrière car il n'a pas d'in­térêts distincts et séparés des intérêts à long terme du prolétariat mondial. Ses bases programmatiques sont donc les seules sur lesquelles puisse s'appuyer une nouvelle Internationale.

Mais jusqu'à présent l'attitude des différentes ten­dances trotskystes n'a guère été à la hauteur de leur programme.

Pour des raisons historiques que nous analysons, ailleurs, le mouvement trotskyste s'est maintenu et développé presque exclusivement dans le milieu de la petite bourgeoisie. Il en résulte de lourdes consé­quences.

D'une part, se sont développés en son sein des courants pro-castriste ou pro-maoïste qui ont repris à leur compte l'essentiel des théories politiques de la petite bourgeoisie du Tiers Monde, sans parler des courants suivistes par rapport au mouvement stali­nien. D'autre part, depuis la mort de Trotsky, aucune direction internationale digne de ce nom ne s'est imposée. Par direction il faut entendre une équipe éprouvée, sélectionnée par la lutte et qui, à ce titre puisse jouir d'un capital de confiance suffisant auprès de l'ensemble des militants révolutionnaires pour disposer de l'autorité nécessaire. Cete carence à la­quelle certains ont cru naïvement remédier en dur­cissant les règlements intérieurs de leur organisation internationale, n'a aboutit qu'à l'effritement du mou­vement et à l'apparition d'au moins trois « Quatriè­me Internationale » rivales, chacune affirmant bien sûr, être la seule légitime héritière de l'organisation créée par Trotsky en 1938.

C'est là une attitude irresponsable qui ne fait que discréditer le mouvement. Ce comportement n'a bien sûr rien à voir avec le sérieux nécessaire à la cons­truction d'une Internationale révolutionnaire qui puisse devenir l'instrument de la révolution socia­liste. Dans ce domaine comme dans tous les autres, le bluff ne paie pas, no peut payer.

Aujourd'hui, la IVe Internationale n'existe plus. Mais ce qui existe, c'est un mouvement trotskyste international avec lequel iL est possible et nécessaire de travailler. Dans un premier temps, un travail inter­national fécond passe par l'admission au sein de la même organisation avec droit de fraction, de toutes les organisations se réclamant du trotskysme et de la tradition de l'Opposition de Gauche, quelles que soient leurs divergences. Une telle organisation serait sans doute très loin de l'Internationale révolution­naire que nous voulons construire, mais elle permet­trait une confrontation continuelle des expériences et des idées du mouvement, ce qui serait déjà un premier pas. Le second serait la formation d'une direction internationale, seule capable d'unifier véri­tablement l'ensemble des trotskystes, mais aussi de gagner la confiance de nombreux militants révolu­tionnaires d'autres tendances, qui pour l'instant con­servent une attitude plus que réservée vis-à-vis des organisations issues de la IVe Internationale.

Si les voies et les moyens de construction de cette nouvelle direction ne nous sont pas connus, par contre les chemins qui lui tournent le dos sont aisément discernables. Ce sont ceux qui conduisent chaque tendance du mouvement à créer « son » Internatio­nale et à s'en contenter. Car nous sommes persuadés que ce n'est pas en construisant une apparence d'organisation qu'on pourra lui donner corps un jour”.


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