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Le sextet de Simon Goubert au Sunside

Publié le 03 décembre 2008 par Assurbanipal
Simon Goubert Sextet. Paris. Le Sunside. Vendredi 29 novembre 2008. 21h30.
Simon Goubert : piano
Michel Zenino : contrebasse
Sophia Domancich : piano
Emmanuel Codjia : guitare électrique
Boris Blanchet : saxophone ténor, saxophone soprano
Pierrick Pédron : saxophone alto, saxophone soprano
La scène est trop petite. Manu Codjia joue au pied de la scène. Il porte sa guitare très haut, presqu'à hauteur du cou.
Simon Goubert teste ses tambours. Les musiciens font semblant de tâtonner. Quand la guitare et les cuivres poussent, il est difficile d'entendre le piano. La contrebasse, elle, se sent toujours. L'entrée en matière est très coltranienne, une longue mélopée qui monte en puissance. Solo un peu torturé de Manu bien poussé par des balais percutants. Simon passe aux baguettes. Ca déménage. Les saxophones rejoignent le bazar ambiant. Je sens la contrebasse et je perçois le piano. Comme disent les commentateurs sportifs : vont-ils tenir tout le match à cette folle allure ? Un spectateur est assis trop près du guitariste. Il doit reculer sa tête pour éviter des coups de manche. Les saxophones font le muezzin. Sophia Domancich prend la main pour organiser ce chaos. Une ligne directrice se dégage. La rythmique part seule. C'est plus Jazz, plus swing. De nombreux spectateurs hochent la tête en mesure. Le sextet repart doucement. Puis ça remonte méchamment en puissance. C'était « Le retour d'Emmanuel Phillibert » (un Duc de Savoie mis en musique par Simon Goubert).
Le concert est diffusé sur France Musiques et dans quatre autre pays européens. La première partie dure jusqu'à 22h30. La deuxième partie jusqu'à 23h59. Tout est chronométré !
« C'est là, quelquefois » (Goubert). Introduction par un solo de batterie aux balais. Je plains ceux qui n'ont jamais eu la chance d'entendre un solo de batterie de Simon Goubert, poète de son instrument. De courtes phrases du groupe viennent ponctuer le solo. Simon fait tintamarrer ses cymbales.Il passe au bruitage en frottant ses tambours avec les baguettes, en passant aux mailloches. Il touille toutes les couleurs de sa palette de batteur. Manu Codjia vient ajouter un son mystérieux de guitare qui dialogue avec les tambours. S'il continue ainsi, les Américains finiront par nous envier Manu Codjia. Le groupe repart. Les deux gars assis devant moi hochent la tête, les yeux fermés. Ils sont dedans. Sur la scène, autant Pierrick Pédron joue en avant, calme et droit autant Boris Blanchet se balance comme un culbuto. Ses phrases sont courtes, très rythmées, poussées par la contrebasse et ponctuées par le piano. Les autres se sont tus. Manu ajoute son grondement. Le groupe repart. Chauffe, Marcel !
22h22. Simon Goubert annonce 8 mn de pause. Ce n'est pas raisonnable pour des Jazzmen. Et pourtant ils reviennent à l'heure. Très fort !
« Geo Rose » composition de Tony Williams, batteur qui a beaucoup compté pour Simon Goubert. Pierrick a pris son soprano. Pour commencer, un solo de batterie léger, puissant, coloré, bien funky avec le pied. Le groupe part. Tous ensemble, tous ensemble, ouais ! Même joué par des Blancs, ça sonne Black. L'homme assis devant moi a fait 3h30 de route depuis le fin fond de la Meuse, en Lorraine, pour venir à ce concert. Il repart aussitôt après. Le lendemain il fera répéter une troupe de théâtre dans son village. Un héros de l'Art!
Quand la rythmique joue seule, je peux enfin entendre le beau son de piano de Sophia Domancich. Simon Goubert martèle un tempo diabolique ponctué légèrement par la guitare et les saxophones. Ca plane pour nous.
Sophia commence au piano vite rejointe par la rythmique et les saxs. Pierrick Pédron reste au soprano. Manu Codjia vient ajouter sa distorsion à l'ensemble. Boris Blanchet se balance comme un Loubavitch devant le Mur des Lamentations. Au Sunside, le mur est derrière lui et dans les mains il ne tient pas une Torah mais un saxophone ténor. Telle est la différence entre l'Art et la Religion. Michel Zenino prend le premier solo de contrebasse du concert. Il est bien grave, bondissant, ponctué par la guitare et la batterie. Un solo de guitare répond, corde pour corde, à celui de contrebasse. C'est la classe mondiale. Ce sextet envoie sévèrement. C'était « Just on Elvin smile » hommage de Simon Goubert à Elvin Jones, LE batteur de John Coltrane.
Un solo de piano tout en douceur lance le morceau suivant. Le rythme de la partie s'est calmé. La rythmique reprend avec Pierrick à l'alto. Simon est aux balais et la rythmique déroule tranquillement le tapis volant. Les saxophones tout en velours et en vibrato les rejoignent. Manu Codjia est au coin, assis sur sa chaise, dégustant tranquillement la musique de ses camarades de jeu. Pierrick se ballade sur la rythmique puis effectue un solo total d'alto viril, rythmé sur un air de ballade. La classe, vous dis-je. C'était « For yesterday » hommage de Simon Goubert à Mac Coy Tyner, LE pianiste de John Coltrane.
« Mister Dean » est un hommage de Simon Goubert à Elton Dean le saxophoniste de Soft Machine, groupe phare du rock progressif anglais des 70's. Elton Dean est mort avant d'avoir pu jouer ce morceau avec Simon Goubert. Une grande blonde est assise derrière moi. Prise par la musique, elle bat la mesure contre ma chaise. Solo de sax ténor. Toujours ces phrases courtes, hachées de Boris Blanchet. La rythmique soutient, la guitare ponctue. Tout le groupe repart. C'est chaud, c'est puissant, c'est bon. Manu Codjia vient ajouter son fluide glacial à la sauce. Les saxophones reviennent. C'est charnu, prenant. Je m'attends à un tintement de cymbale et c'est un roulement de tambour qui vient finir le morceau.
Deux spectateurs arrivent après 2h de concert. Vieux motard que jamais ! Feeling latino sur ce morceau. Après le solo de ténor, Sophia reprend la main et dialogue avec son homme Simon via Michel Zenino. Solo entraînant, virevoltant de saxophone alto. Simon Goubert ne serait-il pas un lointain descendant du grand Sonny Greer ? Puissant, varié, coloré. C'était « The Coaster » de Grashan Moncur III.
« Auroville » de Michel Graillier pianiste avec qui Simon Goubert forma longtemps un superbe trio en compagnie du contrebassiste Alby Cullaz. Simon Goubert s'installe au piano pour un duo avec Manu Codjia. Michel Zenino s'asseoit à la place du batteur pour les écouter. Simon est loin d'être maladroit comme pianiste. L'émotion est là. Il nous fait des effets de vagues. « Et l'unique cordeau des trompettes marines » (Guillaume Apollinaire). Il utilise beaucoup les pédales. Après l'introduction, Manu Codjia advient, frais, précis, aérien. La musique s'envole et nos âmes avec. Le duo change d'acteurs. Il s'agit de la contrebasse face à la batterie maintenant. Simon joue à remuer ses baguettes l'une contre l'autre. Sophia et Pierrick remontent sur scène. Dialogue contrebasse/batterie aux balais de haute tenue. Simon repart aux baguettes. Sophia les rejoint. Les saxophones ténor et alto reprennent. Cela ressemble bigrement à du Coltrane. Encore plus quand Boris Blanchet prend un solo au ténor. Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir... Final groupé, dans le genre d'Olé (John Coltrane).

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