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Solon, voleur genevois, 1840-1896

Par Alain Bagnoud

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Marc Solon est un être bien réel. Né le dix-sept août 1840 à Genève. Quatrième fils illégitime d'une fille naturelle, Marie Solon, 27 ans. Abandonné dans la «Boîte à toutes âmes» de l'Assistance publique.
Sa vie est une suite de malheurs presque inévitables qui font la procès de la société de son époque. Il est placé chez un paysan d'Avully, de qui on le sépare à 12 ans parce qu'on ne doit pas s'attacher à un père nourricier. On le met à La Garance, un établissement «agricole et industriel» de Chêne-Bougeries, qui sert à dresser des adolescents réfractaires. Le pasteur Vautier, son directeur, veut de l'obéissance, du sentiment, du repentir et des larmes. Solon ne lui donne pas ce qui lui plaît.
Mauvaise tête, fugueur, voleur, coeur dur, il est donc renvoyé. Il continue sa descente. Première prison à 15 ans. Puis 42 comparutions, 33 condamnations, 18 ans sous les barreaux. A quoi il faut ajouter de nombreux internements pour cause d'alcoolisme. Enfin, il est expulsé de Genève à 56 ans, et on perd sa trace.
Martine Ruchat, enseignante à l'université, explique qu'elle est tombée sur ce personnage après qu'une femme a légué aux Archives de la vie privée, dont elle est présidente, un fonds de documents. Par hasard, elle y découvre le compte-rendu d'entretiens qu'un presque contemporain de Solon a eus avec lui juste avant son expulsion.
Henri Lejeune avait 23 ans de moins que le voleur. Il était ouvrier d'usine et écrivait dans Le Drapeau rouge, organe du parti communiste. Il avait le projet, qu'il n'a pas réalisé,de faire la biographie de Solon.
Après sa mort, son fils Charles reprend les documents, fouille dans les archives et rédige un texte romancé dont il achève deux parties sur trois.
C'est à partir de tout ça que Le « Roman de Solon » est écrit.
Trois strates, trois niveaux de narration. Ça pourrait être intéressant. Le problème est que Martine Ruchat se débrouille mal entre ces trois niveaux. Leur définition est floue, on ne sait souvent pas d'où ça parle.
De plus, ni elle ni Charles Lejeune ne sont romanciers, et si la documentation est riche et les intentions excellentes, les passages narratifs sont sans intérêt, voire ineptes, plus particulièrement quand on se retrouve en focalisation interne, dans la tête de Solon.
D'où sans doute les guillemets du titre, qui sont symptomatiques. Ils évoquent probablement les hésitations de Martine Ruchat quant au genre du texte qu'elle écrit (récit historique, essai, démonstration morale, roman), quant à la méthode qu'elle suit et au but qu'elle poursuit.

Martine Ruchat, Le « Roman de Solon », Antipodes


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