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Dernier point (de non retour)

Publié le 07 décembre 2008 par Menear
Comprendre quelle meilleure fin correspondrait le mieux pour la première partie de Coup de tête : quoi dire, quoi garder hors texte. Celle-ci déjà amputée de son dernier jour originel lors de la refonte au printemps dernier et l'écriture de la troisième version. A présent choisir précisément sur quels mots s'arrêter.
Ce chapitre se termine sèchement sur un fantasme avorté. On glisse ensuite du présent au futur anticipé, lorsque le narrateur s'adresse directement à Ajay, destinataire muet de l'ensemble du texte. Puis deux solutions possible : achever la page sur une supplication à Ajay à transformer ses fantasmes en réalité (Dis-moi juste qu'on est pas obligé et je te croirais. C'est tout ce que je demande.) ou bien compréhension tacite de la diversité des mondes (Peut-être que tout ce qu'on fait pas ou qu'on dit pas, en vrai ça se glisse vers un monde parallèle pour exister là-bas en décalé. Un monde juste à côté du nôtre, un monde dont j'aurais paumé la clé. ) ? Ou bien un mélange des deux (Peut-être que tout ce qu'on fait pas ou qu'on dit pas, en vrai ça se glisse vers un monde parallèle pour exister là-bas en décalé. Un monde juste à côté du nôtre, un monde dont j'aurais paumé la clé. Dis-moi que ce genre de trucs c'est possible, dis le moi juste et je te croirais. C'est tout ce que je te demande) ? A voir, suivant l'impression que l'on veut laisser ou pas, l'arrière goût qu'on veut fixer sous la langue du lecteur. Un arrière goût amère, résolument cruel pour le narrateur, la partie suivante, une fois l'ellipse enjambée, tranchant sec dans la continuité de la première intrigue.
Cette fin de première partie a déjà été réécrite de nombreuses fois. Souvent différente, mais toujours marquée par l'immense déception du narrateur a n'avoir pas pu se rapprocher des corps qu'il a brièvement frôlés. L'idée, c'est celle d'un échec cuisant qui le pousse (une nouvelle fois) à la fuite. L'idée, c'est encore de ne voir que ce qui n'existe pas pour finalement rater l'instant, l'instant réel où l'on aurait pu, où l'on aurait du pouvoir influencer l'écoulement naturel des choses. Cette fin de première partie, c'est un échec de plus de vivre dans son propre corps, et sa main, sa main droite, qui n'en finit pas de se défaire de lui, de le fuir à son tour.
Après deux ans et demi de travail sur ce texte c'est en tout trois versions différentes dont j'ai gardé la trace pour cette fin de chapitre (je ne parle pas de fin de première partie cette fois, puisque les premières versions comptaient un jour de plus avant de migrer vers la partie II). Le sens a évolué au fil des mois, des réécritures, et la recomposition progressive de ce passage dévoile un mouvement général intéressant : plus je réécris cet épisode, et plus je l'aiguise vis à vis du narrateur, moins je lui accorde ce qu'il souhaite obtenir, plus je le tourmente.
Et tout ça n’arrive pas qu’en moi.
Alors j’oublie tout de suite ma main, ma main droite.
Silence.
Et j’oublie tout le reste. (Version 0 et 1)
Et moi à un bon mètre de lui. Glacé dans la nuit Canicule.
Silence.
Et dans ma tête : rends-moi service, Nil, et pète moi le nez. Rends-moi service et étrangle-moi. Maintenant.
Silence.
Et ma main, ma main droite, solidement engluée entre mes reins.
Silence.
Et seul au milieu de la ville en ruines, ma peau sèche et mon œil mort, lentement je me rhabille. Et plus rien n'a de sens. (Version 2)
A la relecture de cette fin tracée pour la version 2, je me souviens d'avoir oublié la phrase rends-moi service et pète moi le nez, directement empruntée à l'album Favourite Worst Nightmare des Arctic Monkeys, phrase qui trouverait parfaitement sa place dans la version actuellement en cours d'écriture. Comme quoi ce genre de billet, malgré l'agencement chaotique des phrases qui n'ont peut-être pas beaucoup de sens pour ceux qui n'auraient pas mon texte sous le nez, m'est terriblement utile. Je peux prendre ce bon mètre de recul qui m'est indispensable. Voir qu'il n'y avait pas que du mauvais dans les étapes précédentes de l'écriture. Et comprendre que cette fin de première partie est bien fixée : Dis-moi que ce genre de trucs c'est possible, dis le moi juste et je te croirais. C'est tout ce que je te demande. Le reste n'a pas besoin d'être dit (bien au contraire).

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