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Citizens’views #13 en réaction au classement Elle / Wikio : “vouloir nier que la femme moderne est une femme qui s’intéresse à la littérature, à la politique, à la vie professionnelle, à l’art …etc est un schéma réducteur et communautariste dangereux e...

Publié le 08 décembre 2008 par Lilzeon

Citoyens ! Ce matin sort le classement Elle-Wikio institutionnalisant pour le grand public certaines blogueuses dans des catégories plutôt arbitraires. Le débat a déjà lieu, plus de 2200 posts au compteur. Une conversation majeure pour les médias sociaux français. Citizen L. a donc interviewé 2 dissidentes de choc et de talent.

Fadhila Brahimi

Christelle Membrey

Citoyennes : pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Christelle Membrey, formatrice spécialisée dans l’éducation au média internet. Pédagogie en ligne, écriture web, réseaux sociaux, journalisme en ligne, diffusion de l’information sur la Toile et citoyenneté numérique mobilisent tout particulièrement mon attention.

Fadhila Brahimi DG FB-associés, cabinet de coaching d’ Entreprises spécialisée dans l’accompagnement des mutations

Vous avez diffusé il y a quelques jours un document de travail recensant les blogs tenus par des femmes, en réaction aux catégorisations imposées par Elle et Wikio : est-ce un appel à la décommunautarisation des médias sociaux et à un retour vers de l’affinitaire plus ouvert ?

Christelle Membrey : Ni l’un ni l’autre encore que cela ait le mérite d’attirer notre attention sur le sujet.
La vérité, jeune homme ;-), c’est que je me fiche des catégories ! Et qu’il est difficile de répondre à votre question. Parce que le blog d’un être humain -comme tout projet d’ailleurs - se résume difficilement en une seule étiquette. Parce que tout naturellement aussi, l’on note et c’est là aussi le propre de l’humain, me semble-t-il, des affinités qui se créent. Revendication de l’expression personnelle et ralliement à une ou plusieurs communautés : ce sont deux élans que nous vivons tous, qui participent de la vie et que nous retrouvons sur la Toile.

Ce qui est toujours surprenant, c’est la façon dont les médias dits traditionnels s’emparent de la question. Le lectorat de ces médias manifeste un intérêt indéniable pour les publications numériques, un espace où par conséquent, il devient vital, pour eux, d’exister aussi en ligne. Comment organiser cette présence ? En utilisant les ressorts observés sur la Toile et en tentant -maladroitement parfois - de les mettre en œuvre. L’idée d’un classement est intéressante en soi : de nombreux internautes, en quête de repères sur la Toile, peuvent utiliser ce type d’outils pour faire leur premier pas dans l’univers des blogs. Mais la mise en œuvre de ce classement et la communication qui y est associée laisse pantois. Le cas du magazine Elle est symptomatique :

  • il inscrit sa ligne éditoriale dans le respect des femmes
  • il prétend avoir fait seul un travail de recensement, et ce, depuis des mois
  • il décrète seul toujours les catégories pertinentes et selon lui, représentatives
  • il affirme in fine détenir LE classement des blogs féminins
  • face au buzz, il explique et ajoute que les catégories oubliées ne seraient pas crédibles en terme de statistiques et de qualité, ajoute, après réflexion - plan média oblige -que peut-être il élargira le panel
  • à aucun moment, il ne reconnaît le caractère commercial de cette démarche : en mettant en oeuvre un tel classsement, ce n’est pas les femmes qu’il met en valeur mais son entreprise qu’il tente de pérenniser

Aussi ai-je écrit cet article. Beaucoup de femmes - souvent en aparté - ont ajouté : “trouver 80 blogs de femmes qui travaillent et qui bloguent sur des thématiques professionnelles, c’est possible !“Avec Fadhila, nous avons tenté modestement de vérifier qu’il existe au minimum 80 femmes dont le blog n’apparaît pas dans les catégories retenues par le magazine. En une matinée, en utilisant deux outils - Twitter et Facebook - et à chaque fois, 140 caractères, en faisant appel à notre entourage, nous avons pu recenser, à l’aide d’hommes et de femmes, 80 blogs.

Un résultat qui questionne bien évidemment … et qui doit interpeller les internautes. Pourquoi vouloir exister sur la Toile sans consulter les internautes ? Pourquoi vouloir créer une dynamique sociale et déployer au final une communication verticale destinées à des outils médiatiques utilisant des ressorts contraires, à savoir les blogs ? Il ne s’agit pas ici d’être pour ou contre la création de communautés, de remettre en cause l’intérêt des blogs féminins déjà listés par un tel procédé mais d’interpeller les internautes sur la façon dont leurs créations sur Internet sont utilisées dans ce cas, sur la subjectivité que cela implique et sur la nature mercantile d’un tel propos - sans pour autant la diaboliser-. Il s’agit aussi de questionner la place du citoyen sur la Toile, la vision qu’en donnent les médias. Quelle vision donne-t-on de la femme ici ? Accepterait-on - dans la vraie vie - que de telles définitions soient données d’un groupe ? Fera-t-on de même pour d’autres ? Dans la course à l’audience, un classement possédant un tel intitulé et de telles catégories peut-il revendiquer sa représentativité ? Ce classement reflète surtout sa vision de la femme - finalement très traditionaliste - et sa compréhension curieuse du fonctionnement de l’Internet. Un classement qui devrait avoir la modestie de ne pas se prétendre représentatif des blogs féminins. Parce qu’ils ne montrent que certaines facettes de la femme, elles, qui se sont battues pour la reconnaissance de leurs multiples rôles - credo du magazine Elle - dans la vie de la Cité. En quoi devrait-elles accepter le contraire sur la Toile ?

Fadhila Brahimi : C’est avant tout une démarche journalistique et citoyenne.
Journalistique parce que nous avons voulu démontrer l’inexactitude des arguments avancés par les auteurs du classement Wikio-Elle justifiant l’absence de certaines catégories dans le classement des blogs dits féminins - absence de blogs traitant des thématiques “travail, littérature, high tech,etc…) sous prétexte d’un faible nombre de blogs “de qualité” c’est-à-dire moins de 80. Ce que nous n’avons pas eu de mal à démontrer - tout au moins pour le nombre car le qualificatif subjectif “qualité” leur est propre - en moins de 4 heures  en faisant appel à la contribution des internautes, hommes et femmes à l’aide d’un simple message de 140 caractères sur Twitter et Facebook (statut) !
Citoyenne, parce qu’il me parait injustifié de créer un classement parallèle au classement généraliste existant en marginalisant le genre féminin, aberrant que le magazine Elle souhaite vouloir s’autoproclamer “référent du classement de blogs dits féminins” en discriminant les femmes qui bloguent sur des thématiques qui ne correspondent pas aux catégories de sa ligne éditoriale de femmes consommatrices. Si Elle veut son classement , le magazine peut le nommer “BlogElle” (je ne revendique pas le droit d’auteur). Réduisant ainsi l’image de l’internaute à une ménagère modèleuse. Je ne veux en aucun cas, nier ou rejeter l’existence et l’intérêt des blogs de “fille” pour reprendre l’expression qui leur est chère mais vouloir nier que la femme moderne est une femme qui s’intéresse à la littérature, à la politique, à la vie professionnelle, à l’art …etc est un schéma réducteur et communautariste dangereux et néfaste à toutes ces femmes qui au quotidien se battent pour la reconnaissance de leur place dans la vie civile.

Comment voyez-vous l’ensemble de ces classements : simple poudre aux yeux ou vrai repère pour l’internaute cherchant une information dans une thématique précise ?

Christelle Membrey : Ils peuvent constituer des repères. Les classements génèrent une émulation. A qui profite-t-elle ? Mais ils doivent appeler à la vigilance. Ils doivent attirer notre attention sur les questions suivantes : qui produit l’information publiée et pourquoi ?

Fadhila Brahimi : Le classement, l’évaluation et la catégorisation sont utiles et sont parties intégrantes de notre société dans bien des domaines. Ils sont mêmes synonymes d’émulsion et d’animation. Entre nous, personne n’est dupe. Les classements des blogs mesurent l’audience d’un blog c’est-à-dire la capacité d’un blogueur à susciter de l’intérêt dans une communauté dans laquelle il est investit en terme d’animation - vous voyez ici il n’y aucun facteur discriminant justifiant la nécessité de marginaliser les femmes. Nous avons le choix d’intégrer cette dynamique ou non. Et nous savons que les classements ont des règles qui par essence écartent l’insolite, le particulier… En somme, tant qu’un classement a des règles connues et un processus fiable dans lequel nous nous reconnaissons et qui  respectent des règles déontologiques telle que la non-discrimination, je n’y suis pas opposée .

Si vous pouviez réaliser une utopie grâce aux médias sociaux, quelle serait-elle ?

Christelle Membrey : L’exercice de notre citoyenneté s’effectue aussi sur la Toile. Soyons vigilants. Ne nous laissons pas enfermer dans des catégories. La révolution technologique permet à chacun de prendre la parole sur la Toile. Les mots ont leur importance. Utilisons cette parole à bon escient. Soyons ouverts. Un internet citoyen ne peut se concevoir sans des internautes éclairés, à même de décrypter - sans le diaboliser - le fonctionnement - entre autres - des médias et des entreprises qui les entourent sur le web.

Fadhila Brahimi : Générer une prise de conscience qui se traduirait par des actes citoyens tendant à fléchir les plates formes de classement des blogs et celles qui gèrent l’identité numérique des internautes -réputation & audience - à prendre en considération la diversité blogosphérique et des Talents!

Ne nourrissons pas le communautarisme. Internet a aboli les frontières. Les classements ne doivent pas contribuer à un enfermement dogmatique.
Soyons ouverts.
Oui à la diversité
Oui à un Internet citoyen où chacun trouve sa place !


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