C'est aux premiers jours de l'occupation de l'Irak par les Etats-Unis, il y a quatre ans, que je commençai à m'intéresser à la dépendance du libre marché à l'égard des chocs en tous genres. Après avoir rendu compte depuis Bagdad de la tentative avortée de Washington de faire suivre la phase "choc et effroi" de celle du traitement de choc, je me rendis au Sri Lanka, quelques mois après le tsunami dévastateur de 2004. Là, je fus témoin d'une autre version de la même manoeuvre. En effet, des investisseurs étrangers et des prêteurs internationaux s'étaient ligués pour exploiter le climat de panique et céder le magnifique littoral à des entrepreneurs qui s'étaient empressés d'ériger de vastes stations balnéaires, empêchant ainsi des centaines de milliers de pêcheurs de reconstruire leurs villages au bord de l'eau : "Par un coup cruel du destin, la nature a offert au Sri Lanka une occasion unique. De cette grande tragédie est née une destination touristique d'exception", claironna le gouvernement. Lorsque l'ouragan Katrina s'abattit sur la Nouvelle-Orléans et que les politiciens, les groupes de réflexion et les promoteurs immobiliers républicains se mirent à parler de "page blanche" et d'occasion en or, il apparut clairement que telle était désormais la méthode privilégiée pour aider l'entreprise à réaliser ses objectifs : profiter des traumatismes collectifs pour opérer de grandes réformes économiques et sociales. (P. 17)
Naomi KLEIN La Stratégie du choc La montée d'un capitalisme du désastre Essai traduit de l'anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné
Editions LEMEAC/ACTES SUD mai 2008
photo couv. GL
