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"Angel face" ("Un si doux visage")

Par Vierasouto


Une ambulance roule la nuit à vive allure sur les hauteurs de Hollywood, appelée en urgence pour une tentative de suicide au gaz. Quand les ambulanciers débarquent dans la maison, Mrs Tremayne, la maîtresse de maison, en a réchappé, un médecin et son mari sont à son chevet. Mais, et c’est bien là l’art de la mise en scène, ce n’est pas la rescapée à l’étage qui est névrosée, comme le spectateur le croit quelques minutes, mais sa belle-fille qui joue du piano au rez-de-chaussée. Sur le chemin de la sortie, Franck Jessup, un des ambulanciers, intrigué par la mélodie, fait la connaissance de Diane Tremayne, 20 ans, au visage d’ange. Elle sanglote sans raisons, il la gifle pour la calmer, elle lui rend sa gifle ! Quelques minutes plus tard, Diane sort en voiture en pleine nuit pour relancer Franck qu’elle retrouve facilement dans un bar proche de l’hôpital où il travaille. Acceptant leur attirance réciproque immédiate, Franck décommande le dîner avec Mary, sa fiancée. Le lendemain, Diane donne rendez-vous pour déjeuner à Mary qu’elle ne connaît pas pour lui dire qu’elle a passé la soirée avec Franck…

Très vite, Diane qui a entendu dès le premier soir que Franck, ancien coureur automobile, désire s’acheter plus tard un garage, lui propose un emploi de chauffeur chez eux et, accessoirement, de trouver auprès de sa riche belle-mère un financement pour son projet. Du jour au lendemain, et cela est montré en deux plans, Franck est engagé chez les Tremayne. Mais, surestimant l’influence qu’elle peut avoir sur Franck avec qui elle a entamé une liaison, Diane abat ses cartes trop rapidement : une nuit, elle va le rejoindre et accuse sa belle-mère d’avoir ouvert le gaz dans sa chambre pendant son sommeil. Franck comprend qu’il est manipulé et que la haine obsessionnelle de Diane pour sa belle-mère lui a mis dans la tête des projets meurtriers auxquels elle voudrait l’associer, il décide de partir…

Tiré d’un roman écrit d’après une histoire vraie, ce film commandé par Howard Hugues à OP, qui tenait à faire tourner rapidement Jean Simmons, étant en procès avec l’actrice, est la quintessence du film noir bien que les sentiments s’en mêlent. Oscillant entre péché et rédemption, l’instinct du mal finira par l’emporter quand on arrivait aux portes du pardon… Le film comporte deux parties correspondant à la folie meurtrière de Diane et à sa tentative de rachat grâce au seul facteur humain qu’elle n’avait pas prévu : son amour tardif et sincère pour Franck qui ne lui fait plus confiance. Endormant le spectateur qui pense que le drame est joué, le film s’achemine vers le drame suivant ou plutôt vers la conséquence du précédent.

Cependant, la manière qu’a Otto Preminger de filmer Diane/Jean Simmons et, surtout, l’habileté qu’il a eut depuis le début du film à nous faire pénétrer dans les pensées macabres de son héroïne, met le spectateur en position d’être en permanence suspicieux des réactions de Diane, d’anticiper, dans une certaine mesure, sa logique névrotique… Car, compte tenu des informations mises à sa disposition grâce à cette mise en lumière apparente du personnage principal, insidieuse et confidente, le spectateur devient aussi pessimiste que le film…


La première image de Jean Simmons à l’écran est frappante car de profil, elle ressemble à s’y méprendre à Liz Taylor dont elle n’a cependant pas le regard mauve quand elle se tourne face caméra mais plutôt celui de Vivien Leigh... L’interprétation de Jean Simmons est convaincante, elle évolue de façon très subtile avec le récit, la petite fille gâtée et capricieuse cédant peu à peu la place à la femme blessée. Avec Robert Mitchum, éternel séducteur désinvolte, ils forment un couple torride.

Un grand film plus noir que l’encre de la nuit, tourné habilement en noir et blanc, où la femme fatale se verra condamnée , non pas par sa cupidité ou ses mauvais instincts, mais par l’émergence de sentiments amoureux… Une impitoyable marche vers l'inéluctable, quand le crime est absous et que l’amour ne sauve pas, bien au contraire, et que même l’expiation n’est pas autorisée... Difficile d’imaginer plus noir avec un final foudroyant...


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