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Classwar : les surhommes ont les mains sales

Par Neault
Nouvelle variation sur le thème du héros pas si "super" que ça avec Cla$$war, publié en 2005 chez Delcourt.American vient de péter les plombs. Après des années passées au service de son pays, il s'en est pris au président lui-même, allant même jusqu'à lui "tatouer" un brûlant "LIAR" (menteur) sur le front. Les magouilles et les secrets d'état ont eu raison du premier super-soldat de l'Amérique.Les media s'intéressent évidemment de très près à l'affaire et, dans l'ombre, les hommes de pouvoir ont déjà trouvé la parade : l'invasion d'une petite île sous un fallacieux prétexte. C'est là-bas que vont se retrouver American et les membres du groupe Enola Gay dont il faisait lui-même partie. Ses anciens compagnons d'armes ont pour mission de l'éliminer. Plus de 100 000 vies vont être pulvérisées dans l'affrontement.A grands pouvoirs, responsabilité zéro.Et voici revenu le thème usé jusqu'à la corde des méchants américains dirigeant le monde à coups de grandes entreprises et de président débile. Après Moore et Millar, c'est Rob Williams qui reprend les caricatures anti-américaines les plus grossières à son compte. Le club des auteurs britanniques qui voient rouge (dans tous les sens du terme) se porte bien, merci. ;o)En fait de pouvoirs, c'est donc surtout ici du pouvoir politico-économique qu'il est question, les surhommes n'étant présents que dans un vague souci de symbolisme ou - ô horreur - dans un but mercantile ! Les références à des faits réels sont nombreuses (assassinat de JFK, émeutes de LA, invasion de la Grenade) mais souvent utilisées de manière trop simplistes pour vraiment enrichir le propos de l'auteur. L'extraction des scientifiques nazis après la fin de la seconde guerre mondiale est notamment implicitement présentée comme condamnable dans l'absolu sans que jamais il ne soit rappelé le contexte de l'époque (il était tout bonnement impossible de laisser les plus grands cerveaux européens tomber aux mains des soviétiques). Autre exemple frisant le ridicule, Lincoln est cité en référence morale alors qu'il est le pantin responsable de la guerre ayant tué le plus grand nombre d'américains dans l'Histoire...Du coup, vous allez me dire "bah, heu, c'est nul alors ?"En fait non, c'est même intéressant car assez emblématique d'un courant de pensée, très propret mais creux, qui ne s'embarrasse pas de rigueur historique ou de nuances pour étaler ses dogmes à longueur de planches ou tenter de donner un ch'tit coup de pied à l'oncle Sam, histoire de plaire au plus grand nombre.Au-delà de ça, certaines scènes sont tout de même spectaculaires voire dérangeantes. Le boulot de Trevor Hairsine et Travel Foreman ne peut guère être critiqué tant il offre une vision réaliste et assez répugnante de la violence sous toutes ses formes. Mâchoire qui se décroche sous un crochet du droit (et un décrochage pareil, je vous prie de croire que vous n'en avez pas vu souvent !), type qui..."chie" ses boyaux, têtes arrachées ou éclatées comme des pommes trop mures : on ne fait pas dans la dentelle et c'est tant mieux. Après tout, l'horreur se doit de susciter des grimaces de dégoûts et non une fascination esthétisante.Pour être honnête, il y a d'autres points positifs dans ce comic. Une belle brochette de salopards, un président des Etats-Unis tourné parfois en ridicule mais avec un réel humour, une très belle scène de lecture de pensée (par Confusion, l'un des personnages) après un shoot et, d'une manière générale, de l'adrénaline non-stop. La qualité des auteurs n'empêche cependant pas le côté convenu et limité du fond.Sur la quatrième de couverture, il est fait référence à Watchmen. N'exagérons rien, on en est loin ! D'ailleurs, dans le genre, en plus subversif et plus habile, l'on pourrait citer The Boys, une oeuvre qui, elle, ne se nourrit pas que de clichés de comptoirs.On ne peut pas dénoncer quelque chose qui a déjà été surexploité et exagéré par la terre entière. Si l'on passe outre ce défaut majeur, l'on a ici un comic musclé et bien réalisé. Le souffle épique est là, il manque la brise (légère mais nécessaire) de l'auteur. Mais si, vous savez, ce petit vent frais censé remplacer les bourrasques nauséabondes véhiculées et trop longtemps respirées par la masse. ;o)

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