Magazine Beaux Arts

Angelika Markul, entre deux mondes

Publié le 12 décembre 2008 par Marc Lenot

Angelika Markul sait comme peu d’artistes (avec lui, sans doute) créer une atmosphère qui vous saisit dès l’entrée dans l’espace d’exposition (à la galerie Frédéric Giroux, jusqu’au 17 janvier). D’abord, partout, des plaques noires brillantes, comme des miroirs infernaux dans lesquels on ne se verrait plus, on s’anéantirait : elles sont accrochées au a-markul-3.1228864687.JPGmur comme des tableaux ou amassées au sol en un précaire échafaudage. Ce pourrait être une descente aux enfers; l’une des plaques respire, bruisse, vit, elle est profonde comme une caverne, on y voit une autre salle, tout aussi sombre, aux murs recouverts de ce même plastique noir brillant. La brume emplit cet espace avec lenteur puis en tourbillons tumultueux, ensuite, aspirée violemment, elle se retire à grand bruit. Est-ce une machinerie, ou serait-ce la respiration d’un monstre ? (Le souffle, 2008)

a-markul-1.1228864647.JPG
Désorienté, on hésite à avancer, à franchir cette porte pivotante de salle-forte qui nous invite dans l’autre pièce, de crainte d’y être enfermé. On entre alors dans une chapelle mortuaire. Aux murs, de grandes plaques de métal blanc martelé à mains nues irradient la lumière, comme des vitraux minimalistes. Au centre, un reliquaire, tombeau en bois brut à claire-voie, exhibe une relique noire, brillante violemment éclairée. Il y a eu de la vie ici, un passé, un avant, et maintenant que reste-t-il ? Cette forme noire s’échappe de son cocon, de son carcan, et se répand dans toute la pièce, escaladant les murs, grimpant jusqu’au plafond, pleine d’une énergie immobile et inquiétante.
a-markul-2.1228864673.JPG
Elle est couverte de bosses, de protubérances brillantes, menaçantes, elle veut envahir tout l’espace, laissant à peine au spectateur la force de se mouvoir autour d’elle. (Entre-deux, 2008)

Cette installation de cette jeune artiste franco-polonaise traduit avec peu de moyens, des matériaux pauvres et une grande science de l’occupation de l’espace, des sentiments complexes, et sans doute assez personnels, d’anxiété et d’énergie, de deuil et de renaissance, de passage d’un monde à un autre, de déchirure et de libération. Il est rare qu’on parvienne à une telle poésie tragique aussi bien et avec autant de force. Après ses expositions précédentes (en particulier ici et là) Angelika Markul frappe de nouveau très fort. 

Photographies des installations, ©Angelika Markul, courtoisie Galerie Frédéric Giroux.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Marc Lenot 482 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte