Magazine Cinéma

4 de l'apocalypse

Par Tepepa

I Quattro dell'apocalisse
1975

Lucio Fulci

Avec Fabio Testi, Tomas Milian
1975, le western italien se meurt, Lucio Fulci sort 4 de l’apocalypse, une des dernières tentatives sérieuses du genre après les ravages des farces Trinita. Dernière tentative du genre, voire! Honni de tous, détesté par de nombreux amateurs du spagh comme par ses détracteurs, 4 de l’apocalypse se situe bien dans le continuum spatio-temporel du genre, mais s’apparente plus à un road movie vers l’horreur, un bad trip au peyotl plutôt qu’aux fayots, une odyssée satanique plutôt qu’à une tragique vengeance familio-winchesterienne. Rien de commun en effet entre ce film là et Le temps du massacre du même Fulci. De héros ténébreux subissant le supplice des justes avant d’irradier sa vengeance (divine) nous n’en verrons point. A la place : la lie de la société, un dingue noir, un benêt alcoolique, une pute angélique enceinte, un joueur de cartes fauché. Et Chato, l’antéchrist, le mal absolu, reniflant l’air et maugréant ployé sur sa selle, tortionnaire à ses heures, massacreur de mormons et violeur de ses dames, avec sa winchester rutilante, sa coupe hippie, son bandana et ses tatouages énigmatiques (pour rappeler Charles Manson paraît-il). Tomas Milian n’en fait pas trop, son cachet sans doute exorbitant fait qu’il disparaît une bonne demi-heure du film (affirmation gratuite sans l’once d’une vérification) pour réapparaître vers la fin, face à un Fabio Testi qui peu à peu commence à se transformer en archétype du pistolero spaghetti : vareuse noire, gestes assurés, gueule impassible, les germes du tueur sont là, comme si avec ce film Lucio Fulci avait voulu montrer la genèse de nos héros favoris, comment un type normal, bon fond bon teint, au contact de la violence continuelle de la société primitive se retranche en lui-même, durcit son cœur et tue pour se défendre ou pour se venger. Les compagnons d’infortune disparaissent tous en route, la mélancolie noire désespérée, sombre, glauque, sale, dramatique, morbide, obscure, ténébreuse, voilée, morose, taciturne, triste, voire morne, amère, pessimiste, sinistre, funèbre, tragique, funeste, angoissante, inquiétante est soulignée par une musique pop plaisante (d’un groupe nommé Cook and Benjamin Franklin Group (?)) qui achève de démarquer le film du genre. Les paysages typiques du genre sont là pourtant, mais pour une fois, pas de trésor, pas de vengeance qui se mange froide, pas de trahisons entre amis/ennemis, pas de beaux duels langoureux. Après le pogrom puritain initial, les coups de feu se comptent sur les doigts de la main. Les blessures sont mortelles, et on crève à petit feu. Le joueur de carte et la prostituée se retrouvent dans un village de mineur, et là l'enfant naît, et on a droit à une très longue séquence où les mineurs sont tout sourires et tous mielleux comme dans un mauvais Walt Disney. Ainsi Fulci montre les deux facettes de l'homme : la violence la plus atroce envers les êtres, et l'attendrissement le plus niais devant la vie qui commence. Mais ce qui est le plus frappant dans cette histoire, c'est cette lenteur qui épouse le cheminement des protagonistes. Ce n’est pas tant un manque de rythme qu’un rythme particulier, propre au film, qui pourra rebuter les amateurs de western, tous comme les quelques scènes chocs pourront rebuter les gens intelligents conscients de se faire manipuler. Un cinéma audacieux mais complaisant, 4 de l’apocalypse est en effet surtout connu pour quelques scènes gores gratuites qui bien qu’ayant largement mal vieilli, n’en demeurent pas moins gratuites. C’est tout le paradoxe du cinéma de cette époque : audacieux et sans complaisance, mais complaisant à force d’être audacieux, et parfois même, manquant d’audace dans la complaisance. Les scènes de torture, l’anthropophagie, le viol sec et froid sont donc à mettre en arrière plan et à considérer de l’œil complice de celui à qui on ne la fait pas : « hé, on sait que tu avais besoin de mettre quelques scènes comme ça pour qu’on parle de ton film, regardons donc ce qu’il y a derrière ! ».
A vous de voir, moi je trouve que ça vaut le coup de jeter un œil derrière le rideau de la provocation...
Où le voir: DVD Wild Side des années 2002, trouvable facilement, film complet et joliment restauré, en français, en anglais ou en italien (boudiou que les éditeurs étaient généreux à l'époque) avec livret explicatif de JF Giré. Que ce temps semble loin...

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