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La servante écarlate, Margaret Atwood

Par Sylvielectures

La servante écarlate, Margaret Atwood

Il est très rare que je lise des romans d'anticipation, mais ce titre là me fait dire que je devrais le faire plus souvent, parce que ce domaine réserve des textes beaux et bouleversants qui éclairent d'une lumière intéressante notre monde d'aujourd'hui.
La servante écarlate fait partie de ceux là.
Paru en 1985, il est devenu un classique du genre et comparé à 1984 de George Orwell.
Bref, si vous ne l'avez pas encore lu, faites le, vous ne le regretterez pas.
Margaret Atwood, écrivain québécoise féministe de grande renommée donne là une dystopie qui ne peut pas nous laisser indifférents.
Elle imagine une théocratie : "la République de Giléad", en s'inspirant directement de la conception des puritains de la Nouvelle-Angleterre, pour qui l'Amérique est une nation élue.
Ce courant de pensée prend le pouvoir en Amérique en s'appuyant sur un nouveau fléau s'abattant sur l'humanité : la stérilité.
Suite à de multiples accidents écologiques l'espèce humaine craint pour sa pérennité et en Amérique, un pouvoir totalitaire s'installe pour la sauver.
En un rien de temps, la démocratie est morte, l'état policier est en place avec son armée et ses espions de tous les instants.
Les femmes n'ont plus de cartes de crédits, leurs comptes en banque sont détruits et elles perdent toutes leur job dans la foulée.
Atterrées, certaines tentent la fuite, (vers le canada)..
C'est le cas de l'héroïne narratrice de ce roman qui se décide à quitter le pays avec sa fille et son mari.
Ils n'y arriveront pas, son compagnon sera tué ou blessé à la frontière, sa fille lui sera arrachée, et elle deviendra de force un membre de la caste des servantes.
Les servantes sont celles qui doivent procréer au service de la classe dirigeante, composée des commandants et des épouses.
Les Marthas sont au ménage et à la cuisine.
Les déchus de leurs fonctions, les opposants et les contradicteurs sont considérés comme rebuts et envoyés dans les zones contaminées à haut risque pour le nettoyage des déchets.
Dans ce monde clos et violent où pas un jour ne se passe sans une exécution capitale publique et qui est en guerre continue avec le reste du monde, Defred tente de dire et d'écrire le quotidien de sa vie d'esclave.
Avec ce journal intime désespéré nous assistons à l'histoire d'une femme dépouillée de son identité et de sa dignité. Elle est réduite au rang "d'utérus sur pattes"et c'est au prix d'un travail de mémoire et d'écriture incessant qu'elle arrivera à ne pas tout à fait se perdre et même à s'échapper...
Ce roman fascinant a pu paraître prophétique pour certains.
Dans ses interviews Margaret Atwood rappelle qu'elle n'est pas visionnaire mais qu'elle fait un travail d'écriture et que tout ce qui est décrit dans son livre a déjà été fait ou écrit par des hommes sur terre.
Ce livre est un condensé très noir de la condition féminine dans le monde et dans l'histoire, mais il est aussi porteur d'espoir.
Les capacités de résistance, d'amour et de révolte semblent indéfectibles, jusque dans les situations les plus désespérées.
"J'avais coutume de penser à mon cors comme à un instrument de plaisir, ou un moyen de transport, ou un outil pour accomplir mes volontés. [...]Il y avait des limites, mais pourtant mon corps était léger, unique, solide, ne faisait qu'un avec moi.
Maintenant la chair se dispose différemment. [...] Chaque mois il y a une lune, gigantesque, ronde, lourde, un présage. Elle passe, s'arrête, reprend sa course et disparaît et je vois le désespoir fondre sur moi comme une famine. "
"A quoi Dewarren va-t-elle donner naissance ? à un bébé comme nous l'espérons toutes ? Ou à autre chose, un non-bébé, avec une tête comme une tête d'épingle, ou un museau de chien, ou deux corps, ou un trou dans le cœur ou des mains et des pieds palmés. On ne peut pas le savoir. On le pouvait, jadis, avec des machines, mais c'est maintenant interdit. A quoi cela servira-t-il de savoir, de toute façon? On ne peut pas les faire passer; dans tous les cas il faut mener la chose à terme.
Les chances sont d'une sur quatre, nous l'avons appris au centre. L'atmosphère est devenue saturée, un jour, de produits chimiques, rayons, radiations; l'eau grouillait de molécules toxiques, tout cela prend des années à se purifier..."
"Mais s’il se trouve que vous êtes un homme, quelque part dans l’avenir, et que vous avez survécu jusque là, surtout n’oubliez jamais ceci : vous ne serez jamais soumis à la tentation de croire que vous devez pardonner comme une femme se doit de le faire. C’est difficile d’y résister,croyez-moi. Mais souvenez-vous que le pardon est aussi un pouvoir. Le mendier est un pouvoir, le refuser ou l’accorder est aussi un pouvoir, peut-être le plus grand de tous."
Écouter le début du texte grâce à Incipit Blog,
Un article sur L'Encyclopédie canadienne,
Julius Grey défends ce livre sur Radio Canada,
Des critiques sur Le cafard cosmique, l'œil électrique, NooSFère,
Les billets de Catherine et Dda sur Biblioblog, celui de sentinelle, de Libei sur Culture SF,
Constance trouve que "tout est génial dans ce livre"
On apprend sur La Scène Musicale, qu'un opéra a été tiré de ce roman : "The Handmaid's Tale du compositeur Poul Ruders ; le livret de Paul Bentley est tiré du roman"
Un film a été tiré de cet ouvrage : "Handmaid's Tale", par Volker Schlöndorff.


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