Difficile d'encourager qui que ce soit à aller voir Armin. Les rares adeptes du cinéma d'auteur issu des Balkans ont déjà vu ça ailleurs, et en bien mieux ; quand aux réfractaires, leurs préjugés stéréotypés risqueraient malheureusement d'être confortés par le film d'Ognjen Svilicic. Armin est un film grisâtre tant sur le fond que sur la forme, la chronique sans grand relief d'un échec annoncé, celui d'un ado poussé par son père à participer au casting d'un film à Zagreb. L'occasion pour les deux hommes de quitter leur petit village bosniaque, de découvrir la capitale croate, et au final de faire le point sur leur relation.
Le titre est relativement trompeur dans la mesure où le personnage-clé du film est le père d'Armin, un papa poule si prévenant et exigeant qu'il y a de quoi avoir des envies de meurtre. Les facéties frénétiques de ce père envahissant ainsi que sa découverte béate des petits détails d'une grande ville (sèche-mains, buffets à volonté...) occupent la majeure partie du film. Les situations qui en découlent sont amusantes pendant une vingtaine de minutes, avant de se répéter encore et encore, Svilicic étant incapable d'apporter autre chose à un film unidirectionnel aux ambitions pour le moins réduites. Le manque de moyens peut expliquer bien des choses, y compris la réalisation rudimentaire, mais pas la paresse de l'écriture.
Rien de scandaleux pourtant dans Armin. C'est presque regrettable : aucun accident, aussi minime soit-il, ne vient jamais perturber ce long fleuve trop tranquille. On peut tout au plus être légèrement ému par la scène où le jeune Armin joue un morceau d'accordéon devant la directrice du casting et le réalisateur, tétanisé par l'enjeu. Mais si Armin est accordéoniste, ce sont bel et bien les violons qui finissent par l'emporter, au gré d'une morale dégoulinante et prévisible, qui nous apprend avec une fausse dignité que rien n'est plus important que l'amour d'un père pour son fils. On en pleurerait presque.
4/10
(également publié sur Écran Large)