Full Alert (1997) de Ringo Lam s’inscrit comme l’un des grands classiques du polar HK, thriller violent où l’on sent une tension électrique permanente et où deux hommes se livrent à un jeu du chat et de la souris dans une ville sous pression.
L’inspecteur Pao arrête un meurtrier sous les traits d’un ingénieur-architecte : Mak Kwan. Ce dernier avoue le crime d’un confrère mais se légitime en clamant qu’il voulait juste se défendre. Pourtant, au fil de l’enquête Pao ne peut s’empêcher de penser que ce meurtre cache autre chose. Il va mettre en lumière l’organisation du plus gros casse de la colonie, celui du Jockey Club. La course contre la montre est en marche et s’engage alors entre les deux hommes, un face à face violent et en apnée sur tous les points.
Full Alert est l’un des chefs-d’œuvre de son auteur, Ringo Lam aux côtés de Full Contact (1993) et autres séries des On Fire. L’un des films les plus marquants du genre tant l’œuvre est d’une noirceur pessimiste où le point de non-retour atteint son paroxysme à mesure que les images filent et l’ambiance sombre envahit l’écran. Il y a quelque chose dans ce film qui fait de lui un chef-d’œuvre. Ce quelque chose est l’ensemble des éléments qui en font une référence du polar. Tout y est grand du jeu des acteurs, Lau Ching-wan en flic désabusé à Francis Ng en psychopathe d’anthologie à la réalisation en passant par l’histoire ou encore la musique.
D’emblé, Full Alert frappe fort. Un lieu, une époque. En l’occurrence une année, celle de la rétrocession de HK à la Chine, c’est ici que tout se joue. Une ambiance générale terne où le temps file à toute vitesse pendant que s’installe un malaise, un compte à rebours oppressant comme le braquage qui arrive à vitesse grand V sans que les policiers ne puissent l’arrêter, restés quasi-stoïques. On sent des personnages lents, fatigués qui ont des difficultés à avancer. Vie de flic, leur quotidien professionnel, et à côté leur vie privée sans regard sur le futur si ce n’est au travers d’un enfant en bas âge, celui de Pao. De l’autre côté, des malfrats sans pitié avec le personnage de Mak Kwan, un homme à part, presqu’un monsieur tout le monde, différent du gangster habituel : il a une motivation bien personnelle et s’y accroche.
Ringo Lam annonce les hostilités dès le début. Hong-Kong 1997 estampille le titre après la vision d’images aux ralentis. Les images angoisse presque. Elles obnubilent son spectateur. Une ambiance bizarre y émane. Full Alert s’inscrit en chinois puis en anglais. Et un Hong-Kong 1997 donc, qui ponctue, frappe comme le marteau d’une sentence. On sait que l’heure quarante qui va suivre va faire mal, très, très mal. Et l’œuvre ne déçoit pas tant elle s’impose comme une expérience jamais vue dans le polar hong-kongais. L’œuvre naît d’un traumatisme (l’ambiance rétrocession) et traumatise. Le flic trouve son alter ego avec le malfrat. Ce dernier le trouve sous les traits du flic. Rien ne les différencie si ce n’est la loi. Rarement, un cinéaste n’aura fait preuve d’autant de talent pour construire le récit d’un face à face où flics et voyous se confondent. Le talent de réalisation de Ringo Lam est indiscutable aussi bien dans le feu de l’action, caméra à l’épaule que dans les moments de contemplations où il remplit son cadre comme un peintre à sa toile.
Full Alert fait donc partie de ses films qui vous tiennent par les tripes de la première à la dernière image, celle d’un Lau Ching-wan pleurant la mort du personnage interprété par Francis Ng comme s’il perdait une part de lui-même. Troublant.
I.D.