La prose, c’est une restitution instantanée, une réponse
instantanée à des événements extérieurs, l’assimilation et le traitement
instantanés de ce que l’on a vu, une formulation, un besoin quotidien de
formuler quelque chose d’une façon nouvelle, que personne ne connaît encore. La
prose, c’est une formule de la chair, et en même temps une formule de l’esprit.
La poésie, c’est avant tout une fatalité, l’aboutissement d’une longue
résistance spirituelle et en même temps une façon de résister, c’est le feu qui
jaillit hors du choc avec les couches les plus solides, les plus profondes. La
poésie est à la fois une expérience, une expérience personnelle, la plus
personnelle qui soit, et la voie que l’on a trouvée pour consolider cette
expérience — un besoin irrépressible d’exprimer, de fixer quelque chose
d’important, qui n’est peut-être important que pour soi-même.
Les frontières entre la poésie et la prose, surtout à l’intérieur de l’âme,
sont très approximatives. Il est fréquent que la prose se transforme en poésie,
et inversement.
Varlam Chalamov, La quatrième Vologda, souvenirs, traduit du russe par Sophie Benech, éditions Verdier, 2008, p. 9.
Contribution de Tristan Hordé