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Gaz: «la Russie ne jouera pas la politique du pire»

Publié le 07 janvier 2009 par Energie2007

Conflit du gaz : « la Russie ne jouera pas la politique du pire qui serait suicidaire pour elle. Le seul risque est que les considérations politiques internes l’emportent en Ukraine ». Entretien avec Jacques Percebois, professeur à l’Université de Montpellier et directeur du Creden (Centre de recherche en économie et droit de l’énergie).


Où nous entraîne la crise du gaz russe ? A priori vers une solution rapide du conflit, estime Jacques Percebois, agrégé d'économie, professeur à l’Université de Montpellier et directeur du Creden (Centre de recherche en économie et droit de l’énergie).



La crise du gaz russe dure plus longtemps que prévu. Qu’en pensez-vous ?
Jacques Percebois : Il y a une double dimension dans cette crise. D’abord une dimension commerciale avec un différend entre l’Ukraine et la Russie sur le prix du gaz. Ensuite une dimension politique, à la fois de politique intérieure avec un conflit entre la première ministre Ioulia Timochenko et le président Viktor Iouchtchenko en Ukraine, mais aussi de politique internationale : l’Ukraine souhaite rejoindre l’Europe, l’OMC, l’Otan… tandis que la Russie voudrait l’arrimer au bloc russe. Pour la Russie, cette crise est une bonne occasion de montrer aux Européens que l’Ukraine n’est pas un partenaire fiable.
Ne négligeons pas les enjeux industriels : les projets de gazoducs Northstream et Southstream se trouvent confortés par ce différend car ils permettraient d’éviter des pays de transit, comme l’est l’Ukraine. Même si le projet Southstream est contesté en Europe car il met en péril la compétitivité du projet Nabucco.

L’Europe est-elle dépendante du gaz russe ?
Jacques Percebois : En Europe, le gaz représente 24% des besoins en énergie dont un quart est satisfait par la Russie. Le gaz, c’est environ 6% de la consommation primaire d’énergie en Europe. Ce n’est pas négligeable mais on n’est pas pieds et poings liés!
Certes, les pays sont dans des situations diverses. Les pays de l’ex-bloc de l’Est dépendent fortement du gaz russe, tandis qu’à l’Ouest, cette dépendance est moindre. La France s’approvisionne à hauteur de 20 à 25% en Russie (22% en ce moment). Mais le gaz représente seulement 16% de notre consommation primaire. Il faut donc relativiser, d’autant plus que nous avons des stocks qui représentent un quart de notre consommation annuelle. On peut facilement tenir le coup plusieurs semaines. Cela dit, il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps quand-même. Surtout s’il y a une nouvelle de froid en mars!



Que pensez-vous de l’offre de services du port de Zeebrugge, important terminal gazier, qui s’est dit, hier, « en mesure d'assurer l'approvisionnement de l'Europe occidentale » ?
Jacques Percebois : C’est un grand port d’approvisionnement en GNL (gaz naturel liquéfié) et ça a l’avantage de diversifier nos livraisons avec des pays un peu plus sûrs, comme le Qatar, l’Egypte, Abu Dhabi, voire Trinidad et Tobago… Par-delà Zeebrugge, cette crise ne peut que conforter les projets de ports méthaniers. Et elle montre que toute stratégie de diversification est une bonne chose : diversification des sources d’approvisionnement, diversification des modes de transport…

Ce différend peut-il avoir un impact sur le prix du gaz ou bien celui-ci restera-t-il corrélé à celui du pétrole ?
Jacques Percebois : Pour l’essentiel, les prix du gaz sont liés à des contrats à long terme, indexés sur le pétrole, et ils le resteront. Comme ces prix suivent ceux du pétrole avec un décalage de six mois, les prix du gaz devraient baisser en 2009 pour répercuter la baisse observée sur le marché pétrolier ces derniers mois. Ce qui peut se passer, c’est une hausse du gaz sur le marché spot. Mais aujourd’hui personne ne cède à la panique. Dans un scénario pessimiste, on peut imaginer que les stocks se vident, que tout le monde se tourne vers la solution alternative du GNL, créant un goulot d’étranglement parce qu’il n’y aurait pas assez de bateaux, avec là encore une hausse sur le marché spot… C’est peu probable.

Une crise qui s’éterniserait… Le risque est-il réel ?
Jacques Percebois : Il ne faut pas exclure les scénarios pessimistes mais je ne crois guère à un enlisement. L’Ukraine n’échappera pas aux prix de marché. Si l’on accepte la logique de marché, il faut en accepter les prix. Et s’ils décident d’augmenter leurs coûts de transit, le risque pour eux serait de voir leurs tuyaux moins utilisés, donc d’être perdants sur les péages de transit…
Côté russe, ce serait un changement notable alors que ce sont des partenaires fiables depuis les années 80. La Russie n’a aucunement intérêt à une crise majeure qui pourrait inciter l’Europe à dénoncer des contrats à long terme. Car n’oublions pas qu’il y a des « pays entrants » sur le marché du gaz : l’Egypte, la Lybie demain, qui, comme l’Algérie ou le Qatar joueront la carte de la fiabilité. D’ailleurs, en ce moment, personne ne parle plus de l’Opep du gaz…
D’ici quelques jours, cela devrait se régler car la Russie ne jouera pas la politique du pire qui serait suicidaire pour elle. Le seul risque est que les considérations politiques internes l’emportent en Ukraine.

Vous avez encore du chauffage ?
Jacques Percebois : Oui. Et je suis chauffé au gaz. Tant qu’il y a du gaz à Montpellier, c’est qu’il n’y a pas de problème.



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