Demarcq, l’encyclopède aux oiseaux, entreprend de réécrire la Bible (premier opus paru, un petit cahier, Folle Genèse, dans la collection Trait court de Passage d’encres).
Au commencement, il n’était pas encore une fois ni moi ni loi. Tout était tohu tordu fondu en un nu continu. Des échos sans nombre naissaient du chaos sans l’ombre d’un mot
Inutile de le dire, ce n’est pas triste, c’est même follement drôlintelligent. Ça grouille de jeux de mots, ça fourmille d’allusions historiques, politiques, écologiques, littéraires. Ça prend le texte dit sacré à bras le corps et ça cause alter ego avec Néo ou Oné dans son arche. A moins d’improviser un dialogue entre Deux, consterné des actions de l’homme et ce pauvre Noé :
- Je suis Deux, j’ai une alternative : réinitialiser.
Mais d’abord effacer le disque, la planète. Tout exterminer, fini ! Zéro
vivant !!
- C’est beaucoup zéro : vouloir défaire autant de monde. Et puis le gibier :
une fricassée de temps à autre…
- Tu penses à tout, vieux. Moi aussi, tiens : puisque la coupe est pleine,
nous allons noyer le problème
Ça renverse la vapeur (enfin !) et donne la part belle à Avan et Ede, en face d’un sale Deux, toujours occupé à diviser (pour mieux régner, ça va de soi) et pas foncièrement fute-fute. Le sacré est écras(é) sous la langue, le sens et les sens chahutés. Ici on se régale avec revisitation demarcquienne des récits de la Genèse, de l’Arche de Noé, ou encore de Babel.
Un jour l’édifice perça les nuages, et Deux perçut un
caillou lui écorcher les fesses.
- Gaby, c’est quoi cette pointe ?
- J’ai tenté de vous prévenir. Avec la glaise, ils bâtissent des villes,
écrivent des livres, et librement batifolent depuis que Caïn leur a raconté des
histoires à tenir debout.
Ne pas croire pour autant que l’on est dans la pure facétie :
sous les mots et leurs jeux, nombre de questions ultra-contemporaines, ce qui
tendrait à prouver que le texte tient toujours la route, si Dieu l’a quittée et
qu’il est sain, salutaire et nécessaire de le revisiter régulièrement et pas
uniquement doctement et dogmatiquement !
On attend avec impatience la suite (et pourquoi pas quelques scènes du Nouveau
Testament, si l’auteur à le courage de s’y affronter, ce qui sera sans doute plus
coton et risqué qu’avec les vieux récits bibliques).
Contribution de Florence Trocmé
Jacques Demarcq,
Folle Genèse
Passage d'encres, 2008,
6 €