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New Wave est une étrange partition. C’est un téléfilm écrit et réalisé par Gaël Morel, et c’est aussi un roman d’Ariel Kenig sorti à la rentrée 2008, et inspiré par le scénario de Gaël Morel.
Le téléfilm (diffusé à la rentrée sur Arte) avait suscité mon enthousiasme ; c’était l’histoire d’un collégien subjugué par un nouvel élève, Romain, au physique excentrique et aux manières bien plus libres que les siennes. Une camaraderie peut-être un peu amoureuse. Romain était musicien, Eric savait écrire et son ami l’intronisait réalisateur de son clip. Il filmait la noyade (en play-back) de son ami, avant que celui-ci ne disparaisse vraiment et c’était émouvant de le voir tenter de monter parfaitement un film alors que le matériel de ces années new wave ne permettait pas de coupes nettes. C’était finalement lui le héros de cette histoire, le récit d’un drame qui le faisait s’éloigner de la ferme de ses parents pour choisir sa voie, celle du cinéma.
Le roman est aussi l’histoire d’une amitié fondatrice. Mais Ariel Kenig ne se choisit pas aussi nettement un double que Gaël Morel et accorde une importance à peu près équivalente aux deux protagonistes, sans pousser loin au-delà du drame la destinée d’Eric. Une façon de recentrer l’action. Peut-être que le cheminement du garçon de la campagne, mal à l’aise de tuer les poules, était un peu trop beau, un peu trop lisible. Mais j’aimais bien ça, comme j’aimais bien la candeur et la joie des dernières scènes, les frères et sœur d’Eric traversant les champs pour aller à une fête costumée de village, comme une libération, et une façon pour Eric d’endosser pudiquement le blouson du disparu.
Il y a comme ça de petites différences, un enfant en moins par ici, un père qui cogne par là, qui transforment les personnages.
Mais le roman permet surtout à Ariel Kenig de rentrer dans la tête des personnages, de révéler leurs motivations, leurs frustrations. Il le fait avec une écriture assez précieuse, qui m’a déroutée. Dans certains passages je l’ai trouvée habile, révélatrice ; dans d’autres elle m’a paru trop coquette, apprêtée, presque maladroite. Elle plonge dans les pensées des personnages ; mais elle ne nous les rend pas proches pour autant. Je ne suis pas sûre qu’elle soit tout à fait adaptée à son sujet ; et en tout cas elle contourne « le » drame, se contentant dans la dernière partie de rendre compte des ondes qu’il génère dans l’entourage. Il y a comme une disproportion : on nous a restitué au début des impressions banales, des souvenirs de vies ordinaires, on nous a raconté une amitié naissante, mais le vrai sujet était ailleurs (l’amour dévorant d’une mère pour son fils) et on ne nous a qu’esquissé ce tableau-là. Si Eric n’est pas le héros du livre, ce choix de contournement paraît maladroit.
Ce qu’Ariel Kenig réussit parfaitement par contre, c’est à illustrer chaque chapitre d’une citation de chanson de ces années-là ; je suis loin de les connaître toutes, donc difficile de les entendre dans ma tête comme la bande-son du roman, mais je crois que c’est surtout la formule qu’enferment ces extraits, comme un oracle, qui plaisait à l’auteur. On a aussi l’impression d’entendre la cassette que Romain a préparée pour son ami, et c’est assez touchant, parfois presque tragique. La chanson emblématique du roman, dont on nous livre des extraits à plusieurs reprises, c’est évidemment l’incantation nerveuse de Cure : boys don’t cry…
Merci à Clarabel pour le prêt !
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