Lee Myong-Bak, ça Minerve

Je n’en parle hélas pas assez, tout préoccupé que je suis à poster sur des sujets autrement plus importants (comme la tecktonik): la situation politique continue d’empirer à Séoul.
Même si les immenses manifestations à la bougie ont cessé (c’est l’hiver, et il fait un froid à ne pas mettre un activiste dehors, même très remonté contre son gouvernement), les problèmes s’accumulent, et les attaques sérieuses contre la démocratie se multiplient.
Quelques exemples de projets de lois que Lee Myung Bak, le "Président-CEO", essaie en ce moment de faire passer: (site d’activistes en coreen ici)
- Allègement des impôts sur les biens immobiliers et sur ceux des entreprises
- Assouplissement les lois de séparation entre la finance et l'industrie
- Allègement de la régulation concernant les holdings
- Allègement de la régulation des investissements
- Extension de la période d’emploi des travailleurs précaires
- Réduction du salaire minimum
- Interdiction de nombreux syndicats au sein d'une entreprise et interdiction du paiement du salaire aux représentants syndicaux permanents.
- Lois de privatisation des soins médicaux
- Divulgation des maladies des individus
- Révision (avec effet rétroactif) des lois d'assurances, dans l'intérêt des entreprises privées
- Lois de contrôle d’internet et du cyber-espace
- Lois contre les ONGs militantes (faciliter les actions en justice contre les groupes de manifestants, interdiction du port des masques lors de manifestations, intensification des amendes)
- Renforcement du pouvoir du National Intelligence Service (les services secrets sudcos)
- Création du crime d'insulte dans le cyberespace
- Mesures visant à contrôler les sites portails (par exemple, le gouvernement pourrait faire supprimer tous les commentaires dérangeants)
- Autorisation de mise sur écoute des téléphones portables
L’opposition n’a pas les moyens d’empêcher la spirale sécuritaire et de dérèglementation, et est en réduit à des affrontements physiques plutôt étonnants au sein même du parlement.
Lee Myong-Bak et son ministre de l’économie Kang Man-su (les Coréens surnomment maintenant cette paire de champions les "Lehman Brothers"...), avec un sens douteux de la mise en scène, ont organisé une réunion d’urgence sur la relance de l’économie coréenne... dans un bunker souterrain de la Maison Bleue. C’est la crise, c’est presque la guerre, et il faut le montrer.
Et pour cacher leur manque de maitrise d’une économie qui sombre (un won dévalué, un taux de chômage en hausse constante, des prix qui augmentent à vue d'oeil, des exportations en berne), Lee n’a pas trouvé mieux que ... de condamner un blogueur.
Fallait y penser. Minerva – c’est son pseudo –est un chômeur coréen de 31 ans, qui n’a pas fait de grandes études, et qui sur son blog s’est amusé à faire partager ses prédictions concernant l’économie. Quand il a prédit la chute de Lehman Brothers (les vrais...) 5 jours avant leur chute, il a commencé à attirer un nombre considérable de lecteurs (100.000 par post en moyenne). Son influence s'est étendue, même si ses "prédictions" n’étaient pas toujours justes – il a même dit nombre de conneries. Il s’est fait traquer, arrêter et inculper pour divulgations de fausses rumeurs sur internet, divulgations qui selon le gouvernement ont nui à l’économie nationale. Il est passible de 5 ans de prison.
Pour plus de details, lire l’excellent résumé du IHT.
La raison pourquoi Lee s’acharne sur un blogueur m’échappe toujours. A qui cherche-t-il à faire peur ? Il semble qu’il utilise le tapage médiatique créé par cette nouvelle attaque contre la liberté d’expression la plus élémentaire pour cacher son incapacité crasse à redresser la barre.