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L’âge du storytelling ne fait que commencer

Publié le 15 janvier 2009 par Jérémy Dumont

Dans un marché gouverné par l’offre, les consommateurs achetaient des produits manufacturés par les entreprises. Quand la balance a penché vers la demande, les sociétés se sont mises à vendre leurs marques. Le moment semble venu pour un troisième âge, celui des histoires. Parce qu’il se situe au point d’équilibre de ces deux tendances, le storytelling est la discipline la mieux à même d’incarner cette nouvelle ère. Quelles sont les entreprises emblématiques de chacun des trois âges, et en existe-t-il qui soient capables de les traverser tous ? 

“Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils voulaient, ils m’auraient réclamé un meilleur cheval” avait coutume de dire Henry Ford au temps béni du marketing de l’offre, il y a tout juste 100 ans. Un entrepreneur comme lui pouvait alors se permettre d’imposer ses vues et de dire “mes clients peuvent choisir n’importe quelle couleur du moment que c’est le noir !” car, en offrant au monde sa Ford T, il a tout simplement créé un nouveau marché .


Après l’âge du produit, celui de la marque

Dans le cadre de son New Deal dans les années 30, le président Franklin Roosevelt a  chargé une agence d’établir un guide des bonnes pratiques commerciales et de comparer les prix afin de mieux informer le public. Cet événement marque un changement dans la balance du pouvoir et a profité aux consommateurs, donc au marketing de la demande.
Pour convaincre des clients désormais moins crédules, les industriels ont dû sophistiquer leur approche. Pour se différencier, ils ont cessé de vendre des produits et se sont mis en tête de faire aimer leurs marques .
Si les entreprises de l’offre prennent souvent le nom de leur fondateur (Ford) ou de leur lieu d’implantation d’origine (Saint-Gobain), celles de la demande choisissent plutôt celui qui véhiculera le mieux leurs valeurs. Sony est représentatif de ce deuxième âge, dont le nom de marque vient à la fois du latin sonus et de sunny boy, histoire d’affirmer dès l’origine ses ambitions internationales. Cette société a réconcilié le monde avec l’idée de la qualité “Made in Japan” qui n’allait pas de soi dans l’immédiat après-guerre ainsi que par une politique d’innovations constantes : Trinitron, Walkman, Playstation etc.


Sic transit gloria mundi...

Dynamiques en leur temps, la plupart des entreprises des premier et deuxième âges sont aujourd’hui mal en point. Un marketing centré sur l’offre prend mal en compte les nouveaux modes de vie. Ainsi, à l’ère de l’automobile est en train de succéder celle de l’“automobilité”  dans laquelle la sacro-sainte voiture ne sera plus qu’un des multiples paramètres parmi lesquels arbitrer lors de nos déplacements (si nous devons encore nous déplacer). Ford et ses concurrents n’ont pas intégré ce changement de paradigme et rien ne dit d’ailleurs qu’ils en seront capables. A l’inverse, un marketing trop axé sur la marque révèle tôt ou tard les incohérences entre les valeurs de cette dernière et la réalité : Sony n’innove plus depuis 10 ans et ne parvient plus à le dissimuler .


Le nouvel âge des histoires

Bien sûr, les entreprises n’ont pas attendu l’an 2000 pour raconter les histoires que les consommateurs ont envie d’entendre . Mais ce qui est inédit, c’est la systématisation de cette technique dans les grandes success stories des entreprises actuelles. Le nouvel âge du marketing est donc bien celui du storytelling. Plus authentique et moins réductrice que la marque, l’histoire capte l’attention, suscite l’adhésion et, dans un dernier temps, s’incarne dans un produit ou un service que le consommateur achète.
Ainsi, si IKEA avait été une entreprise du premier âge, elle aurait vendu des meubles à petit prix. Si elle avait été une entreprise du deuxième âge, elle aurait gravé son logo partout. Mais comme c’est une entreprise du troisième âge du marketing, IKEA raconte une histoire, celle d’une entreprise qui vise depuis 1943 à “améliorer le quotidien du plus grand nombre” . Une visite dans un de ses magasins s’apparente donc à une expérience totale et, le plus souvent, familiale. Au delà des meubles présentés dans des univers complets et que les vrais “fans” ont repérés au préalable sur Internet ou dans le catalogue papier, on suit un parcours ultrabalisé... à la façon dont on est pris en main sans s’en apercevoir à Disneyland . On ne s’étonnera donc pas d’y trouver un café, un restaurant ou un centre de jeux pour les enfants. De ce point de vue, la signature de marque actuelle - “bien plus qu’un marchand de meubles” - apparaît comme assez faible au regard des multiples histoires narrées par l’entreprise. Le nom IKEA lui-même en raconte une ... même si la plupart des clients l’ignorent. Pas grave, le storytelling est affaire d’histoires... et d’historiettes ! 
Les entreprises emblématiques de cet âge du storytelling ont pour nom Amazon, Apple, Nespresso ou encore Nintendo. Coca-Cola est un cas à part, qui a traversé les trois âges avec une égale réussite. Une de ses plus récentes campagnes de publicité, intitulée la formule secrète, rappelle à la fois que sa bouteille est une icône centenaire, l’invention géniale d’un pharmacien (intégration de la story du fondateur), mythique (sa formule secrète la rend même quasi “magique”) et enfin “saine” (sans conservateurs, sans arômes artificiels)  : il s’agit d’un exemple quasi parfait de storytelling .


A retenir
Il y a 20 ans, Francis Fukuyama prédisait la fin de l’Histoire ... et le moins que l’on puisse dire est que cette annonce était quelque peu prématurée ! Je ne prétendrai donc pas que le troisième âge du marketing soit le dernier. Un quatrième âge lui succédera bien quelque jour. Mais ce qui ne changera pas, c’est le besoin d’écouter de belles histoires car ce besoin est en nous depuis toujours. Et dans un monde où les entreprises ont de moins en moins la possibilité d’imposer leur vision, elles gardent une capacité d’influence à condition de raconter aux consommateurs des histoires qu’ils ont envie d’entendre, d’apprécier et de raconter à d’autres. L’âge du storytelling ne fait que commencer !


Ecrit par: Sébastien Durand
Posté par: Morgane Craye
Publié sur:levidepoches/marketing
Pour plus d'information cliquez ci-après pour lire le rapport d'innovation "le Storytelling" réalisé par les membres de courts circuits

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