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Comment la Reine a sauvé ma peau

Par Magda

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Berlin, huit heures du matin. J’ouvre un œil. J’ai dormi deux heures. De vagues flashes de la soirée, ou plutôt de l’aube dernière, refont surface, et j’ai honte. L’atroce miroir de Blanche-Neige, niché dans mon poudrier minuscule, me fait savoir que je ne suis vraiment pas la plus belle. Vacillant jusqu’à mon ordinateur portable, que je laisse s’effondrer sur ma couette, je glisse le DVD de Marie-Antoinette de Sofia Coppola dans la fente du lecteur et je me laisse engloutir dans ce macaron géant.

Macaron géant? Oui, mais… Il y a une deuxième couche à l’intérieur. J’ai bien sûr vu le film au cinéma lors de sa sortie, et je ressentais le besoin de vérifier ce matin ce qu’il m’avait bien semblé à l’époque : Marie-Antoinette est un grand film. Ah oui, bien sûr, me direz-vous, les fanfreluches, le champagne qui coule à flots, les montagnes de sucre candi, les perruques à quinze étages, ça fait rêver la midinette. Eh bien oui ! la midinette en moi rêve follement d’entrer dans le Palais de Dame Tartine, de tout boulotter en robe à paniers et de repartir avec Axel Fersen sous le bras. Il faut avouer que le travail somptueux de décors et de costumes opéré par l’équipe de Sofia Coppola, autant que l’extrême minutie accordée à la photographie, font de Marie-Antoinette un véritable régal pour les yeux. Grand film donc, d’abord parce que les moyens sont grands, et pourquoi pas, puisque Papa Coppola coproduit et que des centaines d’acteurs français ont été engagés pour la figuration poudrée et fardée qui envahit la pellicule : voilà de l’argent bien dépensé.

Grand film au sens classique : grandeur du sujet historique, grandeur de l’interprétation (formidable et subtile Kirsten Dunst), grandeur des émotions. Sofia Coppola donne dans l’intime, en version démesurée. En se réappropriant la Reine de France avec sa musique rock et ses Converse roses, elle donne surtout à voir un magnifique portrait de femme très peu psychologisant. Ennui, langueur, vide, jeunesse triste, telles sont les couleurs brumeuses du film sous son maquillage pastel et or. La tragédie d’une femme qui n’a jamais pris son destin en main, ballottée comme une balle de ping-pong entre les intérêts européens et nationaux. Chez Sofia Coppola, tout est finalement très formel : le décor parle d’abord et donne la teinte des émotions. La lumière est travaillée au millimètre près : c’est ainsi que tout le film, qui baigne dans une douce clarté printanière, se teint de noir fumé à l’approche de la Révolution.

Révolution qui, d’ailleurs, n’est jamais montrée. Marie-Antoinette ne va jamais à la rencontre de son peuple, et le spectateur non plus. Nous sommes totalement avec elles, emprisonnés comme la Reine en son beau château dont elle ne sortira que pour mourir - mais ça, Coppola ne le dit pas, à quoi bon? Nous le savons. Et c’est cette connaissance de l’Histoire que la réalisatrice respecte sans cesse chez le spectateur. On rit certes du “Qu’ils mangent de la brioche” : elle n’a JAMAIS dit ça! s’écrie Sofia Coppola dans le making-of du film. Mais on nous épargne Louis XVI et ses serrures, le “RAS” écrit dans le journal à la date du 14 juillet… Les dialogues disent ce qu’on ne fait pas à l’écran. Les acteurs font ce qu’ils ne disent pas. Un bon scénario, en somme.

Macaron multi-couches, donc. Et lorsque la dernière d’entre elles craque sous la dent, on pense à la guillotine. God save the queen, la Reine a sauvé ma peau des vapeurs de la nuit : quand j’ai émergé de ces deux heures de bonheur, j’avais les joues roses d’émotion.

  

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