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Blanchiment de "l'argent sale": Quand Relatio fait parler de lui à l'île Maurice...

Publié le 15 août 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

A la suite d'un article publié sur RELATIO, j'ai été interwievé par un journaliste d'un journal mauricien, L'Express. Tout ce que j'ai dis n'y est pas (la référence aux travaux de Chantal Cutajar en la matière, par exemple). Mais rien de ce que j'ai dit n'a été déformé. C'est plutôt bien, non?

Et c'est rasurant de voir que les Mauriciens se préoccupent de l'image de leur pays, même sil faut un certain courage pour parler de l'enfer au paradis...

C'est titré:« L’argent sale provient aussi de l’évasion fiscale ». Cela vise plus les détenteurs d'aregnet sale que les blanchisseurs... En l'occurence, c'est la "laverie Maurice" que j'aurais mis enrelief.Mais je comprends. Merci à Fabrice AQUILINA. Ce n'est pas le type d'article qu'on peut lire dans tous les "paradis fiscaux"...


Maurice vient de moderniser ses services financiers en adoptant le Finance Services Bill. Pourtant, à l’étranger, le pays reste souvent associé à l’idée d’une terre d’évasion fiscale favorisant les trafics. Vieux cliché ou réel danger? Daniel Riot penche pour la seconde option. La criminalité financière est l’un des chevaux de bataille de ce journaliste-essayiste français.

Sur un « webzine », vous accusez Maurice d’être un « grand centre de tri de l’argent sale blanchi ». Une telle accusation repose sur quoi ?
Je commentais les conclusions d’un colloque international sur le blanchiment de l’argent sale, qui s’est tenu dernièrement aux États-Unis. Il est désormais clairement établi que l’argent sale ne provient plus seulement des trafics en tous genres, mais aussi de l’évasion fiscale.
En somme, « l’économie illicite est enchâssée dans l’économie licite », pour reprendre l’expression de Moises Naim, l’auteur du Livre noir de l’économie mondiale. Or, le nom de Maurice a été cité dans ce colloque par Kannan Privanisa-van, professeur et chercheur à Mel-bourne. Il constatait que le plus gros investisseur en Inde est l’île Maurice. Plus que la France, la Grande-Bretagne ou même les États-Unis.
Le professeur Privanisavan a décrit le pourquoi de cette étrangeté. Je le cite : « Les maharajas investissaient leur fortune à Londres, l’habitude demeure, explique-t-il. Les nouveaux riches et beaucoup de firmes placent encore, légalement ou illégalement, leurs profits dans les banques de la City. De là, les sommes repartent dans un long circuit qui aboutit à Maurice, petit paradis. Ensuite, sous d’autres noms de propriétaires, l’argent rentre en Inde sans taxes. » Le journal Le Monde, en France, a également repris les travaux du professeur Privanisavan.
Mais pourquoi considérer Maurice comme un « paradis fiscal » alors que notre fiscalité est réglementée ?
Tout dépend de ce que l’on entend par « réglementée ». La fiscalité mauricienne, à mon sens, ne l’est absolument pas. Aucun impôt pour les sociétés non-résidentes, pas de comptes audités, ni d’assemblée générale annuelle des actionnaires obligatoire, confidentialité totale des affaires… On pourrait multiplier les exemples. C’est ça la réglementation ?
« Ce qui est choquant, c’est quand
l’absence de règles précises
facilite le mélange des genres »

N’êtes-vous pas en train de faire l’amalgame entre un pays qui se po-sitionne comme un centre d’affaires, et d’autres qui se laissent gangrener par les mafias ?
Les processus de blanchiment d’argent sale et les mécanismes de l’économie souterraine ou criminelle ne se réduisent pas, pour repren-dre votre expression, à la « gangrène des mafias ». Per-sonne n’accuse Maurice de soute-nir le terrorisme international, ni de favoriser le grand banditisme organisé. Maurice a même souscrit à quelques engagements internationaux non négligeables, comme l’Accord d’échange de renseignements fiscaux.
Mais Maurice – c’est un fait, il faut l’assumer – figure sur nombre de listes grises : celle des « territoires à faible réglementation » du Gafi (le Groupe d’action fi-nancière, NdlR), celle des paradis fiscaux d’Attac (l’Associa-tion pour la taxation des transactions financières et pour l’aide aux citoyens, NdlR), et celles d’autres ONG.
Les incitations fiscales sont un des facteurs déterminants de la bonne marche de l’économie mauricienne. Elles contribuent, dans une large mesure, à attirer des investisseurs étrangers. Faudrait-il s’en passer ?
Il faut faire la différence entre l’incitation fiscale et l’incitation à la fraude fiscale. Il existe des investissements étrangers partout, même dans des territoires qui ne sont pas classés à « faible réglementation ». Mais s’agit-il d’investissements ou de placements spéculatifs ? Toute la question est là.
Parlons des sociétés offshore. Toutes les multinationales sont obligées d’en créer pour gagner ou conserver des marchés. Maurice en attire environ 25 000. Cela vous choque ?
Aucune entreprise n’est « obligée ». Vous parlez de multinationales, mais la promotion fiscale de Maurice vise surtout les PME. Qu’un bon manager fasse tout pour optimiser sa gestion n’a évidemment rien de choquant ! Mais vous évoquez des marchés à conquérir ou à conserver, pourquoi ? C’est de profits dont il faut parler, non de marchés. C’est l’argent pour l’argent, comme fin en soi, non l’argent comme moyen d’échange, comme outil d’amélioration des conditions de vie des gens.
Ce qui est choquant, c’est quand l’absence de règles précises facilite le mélange des genres, lorsque le bon gestionnaire emprunte les mêmes circuits financiers que le criminel ou le terroriste. Ce qui est choquant aussi, c’est l’utilisation qui est faite des circuits occultes, obscurs, frauduleux. Qu’est-ce qui différencie l’argent sale de l’argent propre ? La façon de le gagner et de le dépenser.
« Tous les pays, sans exception,
ont à balayer devant leur porte.
Ces questions-là sont des défis mondiaux »

Qui dit offshore dit volonté de dissimulation ?
Avantages fiscaux sans aucun doute. Une société offshore, c’est une société de non-résident : cela n’a rien d’amoral ou d’anormal en soi. Le vrai problème vient des « sociétés-écrans ». L’abus de personnalité morale poursuit un but contraire au droit et à l’esprit de justice. Cela peut aboutir à de vrais crimes économiques et sociaux.
Pour conclure, un mot sur le cas de l’Europe. Le vieux continent n’a de leçons à donner à personne en termes de criminalité financière…
Tous les pays, sans exception, ont à balayer devant leur porte. Ces questions-là sont des défis mondiaux qui réclament des règles communes. En France, par exemple, des statistiques récentes montrent que 60 % du coût global de la délinquance pour la société provient de la délinquance en col blanc. Les paradis fiscaux ne sont évidemment pas synonymes de cocotiers. Est-il besoin d’évoquer la Suisse ou le Liech-tenstein ? Qui plus est, les paradis fiscaux « d’ailleurs » n’existeraient pas sans la participation active de milieux d’affaires européens. Mais des efforts sont faits pour se conformer aux normes internationales, aux critères de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment. Par exemple : la transparence, l’échange de renseignements, la limitation – voire l’interdiction – des sociétés offshore ou des sociétés-écrans inactives.
Propos recueillis
Par Fabrice ACQUILINA

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