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Des portraits aristocratiques (2/2)

Publié le 18 janvier 2009 par Myriam

... suite et fin

De retour dans les Flandres (1627-1632), Van Dyck mène une carrière très active de peintre d'histoire et de portraitiste et, dans le domaine des portraits, il affirme son style propre qui tend "sinon à abolir, du moins à estomper la frontière entre portrait noble et portrait bourgeois".

Pour l'illustrer ces propos, on peut prendre pour exemple les deux remarquables portraits présentés en pendant des époux Stevens. Il peint d'abord, en 1627, le "Portrait de Peeter Stevens", un marchand drapier d'Anvers.

Van Dyck - Peeters Stevens
Il le représente en gentilhomme qui accapare les signes distinctifs de la noblesse avec l'accent mis sur l'utilisation ostentatoire du gant (clin d'oeil à "L'Homme au gant" du Titien) et les armes familiales figurant sur le pilastre à côté de lui. "Il ne manque guère qu'une épée pour que la frontière entre portrait bourgeois et portrait aristocratique soit entièrement abolie".
Van Dyck - Anna Wake
Le "Portrait d'Anna Wake", son épouse, fut réalisé en 1628 à l'occasion de son mariage avec Peeter Stevens. Van Dyck confère à la femme, que l'on sent un peu plus en retrait, un chic également aristocratique puisqu'elle est vêtue à la française avec l'amorce d'un décolleté, qu'elle tient dans ses mains un éventail en plumes d'autruche (ce qui était à l'époque très rare et très cher), et qu'il y a également les références aux armes familiales sur le pilastre. Il semblerait que ces deux tableaux ont été conçus comme des pendants même s'ils dérogent à la règle traditionnelle "héraldique" de présenter l'homme à la droite de la femme. "En galant homme, Stevens paraît présenter au spectateur sa jeune épouse et les regards qu'il lui jette révèlent ses sentiments. L'aisance avec laquelle Van Dyck infléchit les conventions picturales qui corsetaient le portrait matrimonial fait oublier ici l'audace d'une représentation habitée par un climat émotif inhabituel."

Van Dyck - Portrait de Charles 1er
Sa notoriété désormais dépasse largement Anvers, les Provinces-Unies et la cour de la Haye et il devient, à partir du printemps 1632, le portraitiste favori du roi d'Angleterre Charles 1er et ce jusqu'à sa mort en 1641. Dans ses portraits de l'aristocratie anglaise ainsi que ceux des membres de la famille royale, il parvient à trouver un habile équilibre entre l'exigence de dignité et une pose naturelle jusque là absente des portraits royaux et il annonce déjà des peintres comme Gainsborough et Reynolds. Dans ce tableau de "Charles 1er en habit de l'ordre de la Jarretière" (1637, Dresde, Staatliche Kunst-sammlungen), on est à la fois dans un portrait d'apparat royal avec une pose hiératique pour le roi, qui apparaît dans le majestueux habit de l'ordre de la Jarretière et à la fois, dans un portrait intime où l'on ressent dans ce visage longiligne et dans le regard une certaine mélancolie.

Ce qui frappe chez Van Dyck, au delà de la facilité déconcertante avec laquelle il est capable de rendre les visages, les tissus et drapés (aux couleurs chatoyantes ou sombres), c'est l'impression de naturel, d'instantané (à ce titre, l'esquisse "Portrait des princesses Elizabeth et Anne" est saisissante) qui ressort dans la plupart de ses portraits avec ce paradoxe d'avoir ennoblit ses portraits bourgeois (notamment par leur pose, la longueur de leur mains ...) et d'être parvenu à donner l'illusion du naturel dans les portraits d'apparat.

Mais peut être ce qui m'a frappé le plus, au delà de la force des regards, c'est l'extrême finesse et vivacité des mains. "On peut interpréter leur finesse autant comme un signe d'aristocratie que comme celui d'une fragilité consubstantielle ... Cette fragilité extrême et revendiquée, qui se lit des poignets fins aux doigts immensément longs, ... va de pair avec la mobilité. Car elles vivent ces mains, suggérant toujours d'imperceptibles gestes ou, lorsqu'elles sont au repos", elles ne sont "jamais raides ou lourdes, mais comme en apesanteur" '(Éric Bietry-Rivierre).   

Il est encore temps de découvrir cette exposition qui se tient jusqu'au 25 janvier 2009 au Musée Jacquemart-André.

Les textes entre guillemets proviennent du catalogue de l'exposition (sauf le texte de Bietry-Rivierre).


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