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Emily L. de Marguerite Duras

Par Sylvie

Editions de Minuit, 1987
Emily L.
L'une des oeuvres tardives de Marguerite Duras. Des thèmes récurrents dans son oeuvre : un décor maritime, une bar, un couple d'amants, l'amour qui meurt, l'écriture...
La narratrice est l'auteur. Elle se promène avec son amant le long de la côte normande, près du Havre, dans les bocages puis le long du bastingage. La lumière fuse, les bacs et les pétroliers voguent, les touristes affluent...
Elle s'adresse à lui en lui disant "Vous"; entre eux l'amour se meurt. Mais a-t-il déjà existé ? Pour le faire revivre et pour taire la souffrance, il faut écrire...
Ecrire cette histoire mais aussi inventer l'histoire d'un autre couple. Celle de deux anglais qui viennent régulièrement au bar de la Marine. Au comptoir, ils boivent leur bière et leur whisky. C'est l'escale habituelle d'un voyage sur mer sans fin, dans un yacht, sur mes mers du Sud. Le Captain et sa femme, surnommée Emily L., restent dans leur monde, sous le regard de l'écrivain et de l'amant. Sans doute l'histoire d'une passion défunte...
L'écrivain face à l'amant, inspirée par sa propre histoire, sa vie (l'amour et l'écriture, va donc réinventer l'histoire du Captain et d'Emily L, réalisant ainsi une mise en abîme de sa propre histoire.

Bien sûr, Emily L. est une poète qui a arrêté d'écrire suite à la mort de son enfant et un acte de folie du Captain qui brûle l'un de ses poèmes inachevés sans quelle le sache. Mort de l'enfant, mort du poème, mort de l'amour...Emily L. noie son échec dans l'alcool tout en se souvenant de son amour fou pour le gardien de la maison familiale sur l'Ile de Wight. ...

Poésie du décor et de l'histoire, de ces femmes qui voguent sur leur yacht à la recherche de l'amour perdu...C'est l'un des grands thèmes de l'oeuvre durassienne, déjà présent dans Le marin de Gibraltar.

L'amour absolu qui ne vit que dans le souvenir, l'attente...Retenons la beauté des décor, celui de la mer et du chateau sur un île perdue d'Angleterre,, terre de l'amour impossible et de la poésie secrète. Comme toujours chez Duras, les personnages gardent leur opacité, leur brume de mystère.
L'intérêt de ce roman est qu'il met en abîme le travail d'écriture de l'écrivain et qu'il joue sur les effets de miroir. L'écrivain se met en scène notamment avec l'histoire de sa peur irraisonnée des coréens (souvenirs coloniaux de son enfance) et sa conception de l'écriture comme panacée pour guérir la passion.
Emily L. est un très beau personnage romanesque, une poète qui ignore qu'elle est publiée, qui ne peut plus écrire, et qui ressasse son amour d'un jour sur les mers du sud.
Très beau récit.
"Je voulais vous dire ce que je crois, c'est qu'il fallait toujours garder par devers soi, voici, je retrouve le mot, un endroit, une sorte d'endroit personnel, c'est ça, pour y être seul et pour aimer. Pour aimer on ne sait pas quoi, ni qui ni comment, ni combien de temps. Pour aimer, voici que tous les mots me reviennent tout à coup...pour garder en soi la place d'une attente, on ne sait jamais, de l'attente d'un amour, d'un amour sans encore personne peut-être, mais de cela et seulement de cela, de l'amour. Je voulais vous dire qur vous étiez cette attente. Vous êtes devenu à vous seul la face extérieure de ma vie, celle que je ne vois jamais, et vous resterez ainsi dans l'état de cet inconnu de moi que vous êtes devenu, cela jusqu'à ma mort..."


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