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Cyclismag.com analyse les performances des coureurs du Tour dans les Pyrénées

Publié le 04 août 2007 par Julien Holtz
Alberto Contador et Michael Rasmussen ont développé lors de trois étapes pyrénéennes des puissances autour de 430 watts sur les dernières ascensions. Un niveau élevé proche des grimpeurs du Giro mais inférieur à Lance Armstrong et Ivan Basso. Analyse de la traversée des Pyrénées.
Un article du site Cyclismag.com // Collaboration de Frédéric Portoleau

14e étape, Mazamet-Plateau de Beille, 197 km
Deux grandes ascensions attendent les coureurs du Tour de France pour cette 14ème étape: le Port de Pailhères et la montée finale vers le Plateau de Beille. Cet enchaînement est une première. Lors des précédentes étapes arrivant au Plateau de Beille, le parcours arrivait par l'Ouest par le col de Port (1998 et 2002) ou le Col d'Agnes (2004). Le Port de Pailhères a une difficulté équivalente au col du Tourmalet. La route menant à la station de ski de fond de Beille a une longueur et un pourcentage moyen supérieurs à l'Alpe d'Huez.
L'échappée matinale aborde le Port de Pailhères avec une avance d'environ 6 minutes sur le peloton des favoris. A l'avant comme à l'arrière, la sélection s'opère dans la montée. Un groupe de quatre coureurs passe en tête au sommet : Perez, Colom, Gutierrez et Txurruka. David Millar imprime le rythme dans la première partie du col. Alexandre Vinokourov puis Christophe Moreau sont distancés. A 5 kilomètres du sommet, l'équipe Rabobank avec Dekker prend la course en main. Au sommet, le groupe des favoris n'est plus composé que d'une vingtaine de coureurs. Les échappées ont développé une puissance moyenne de 360 watts depuis Rouzes. Les favoris du tour ont monté la dernière partie du col sur un rythme assez soutenu à 390 watts. Le record de la montée n'a pas été battu : 48min39s depuis le carrefour avec la D118. La meilleure performance date de 2003 avec 44'34'' depuis Usson les Bains.
Sur le Plateau de Beille, Contador et Rasmussen vont se livrer à un premier duel. Antonio Colom lâche ses compagnons d'échappées. Il sera rattrapé dans la deuxième partie de la montée par les favoris du Tour. Michael Boogerd mène le peloton dans les premiers kilomètres sur un rythme très élevé à 455 watts. Yaroslav Popovych prend le relais et développe à son tour 445 watts pendant 6 minutes. Après 3,5 km de montée, ils ne sont plus que 10 dans le roue de l'Ukrainien : Evans, Sastre, Klöden, Soler, Kashechkin, Menchov, Rasmussen, Boogerd, Leipheimer et Contador. Boogerd et Popovych poursuivent le travail en tête jusqu'au 9 kilomètres du sommet. La puissance moyenne du groupe des favoris a atteint 440 watts pendant 18 minutes.
Levi Leipheimer est le premier à démarrer. Il est repris. Dans la partie la plus pentue de la montée (rampes à 10-11%), Contador, Rasmussen et Soler placent de nombreux démarrages. A 5,5 km du sommet, Contador attaque encore plus violemment, seul Rasmussen peut le suivre. Les deux grimpeurs partent seuls devant se disputer la victoire d'étape. La puissance moyenne a été de 425 watts pendant cette phase de course. Cette puissance n'est pas supérieure à celle de la première partie de la montée car les coureurs n'ont pas cessé d'accélérer puis de ralentir.
Sur la fin de la montée, Rasmussen et Contador relâche quelque peu leur effort avec une puissance moyenne de 415 watts au cours des cinq dernières minutes. Ils prennent en fait un peu de temps pour discuter et s'observer avant le sprint final.
Avec un temps de 44'17'', Contador et Rasmussen améliorent la performance de Lance Armstrong et d'Ivan Basso de 2004. Ils échouent à 47'' du record de Pantani qui date de 1998. Tous les deux avaient le potentiel physique pour battre ce record. Les circonstances de course avec les successions de démarrages les en ont empêchés. Le niveau d'ensemble de ce Tour est élevé car ils sont cinq à avoir amélioré le temps d'Armstrong et de Basso de 2004. Sastre, Soler, Leipheimer ont aussi monté le plateau de Beille en moins de 45'40''.
Avec 430 watts de moyenne pendant 44 minutes, Contador et Rasmussen réalisent une performance athlétique assez exceptionnelle, irréalisable avant 1994. Néanmoins, ils possèdent des gabarits de grimpeurs légers, ce qui est avantageux sur des pourcentages de 8%. Leur performance reste moins phénoménale que celle par exemple de la montée de La Plagne (durée d'effort équivalent) d'Indurain en 1995. L'Espagnol avec son gabarit de rouleur, développa 448 watts pour la puissance étalon de 78kg avec vélo.
LES TEMPS ENREGISTRES ET LES PUISSANCES CALCULEES


15e étape, Foix-Loudenvielle, 196 km
Cette étape propose un enchaînement de cinq cols. Le Port de Balès constitue la difficulté principale du jour. C'est un nouveau col pour le Tour de France. Il a déjà été escaladé auparavant par les coureurs professionnels lors de la Route du Sud.
La course démarre sur les chapeaux de roue. Un groupe avec Vinokourov se détache dans la montée du premier col, le col de Port. Celui-ci est escaladé sur un rythme très soutenu à 393 watts de moyenne. Il s'agit d'une valeur très élevée pour un col situé en début d'étape à 150 km de l'arrivée. Le peloton déjà bien réduit, développe 10 watts de moins.
La bonne échappée, composée de 25 coureurs, se constitue à l'approche de Saint Girons. Ils creusent l'écart dans la vallée puis dans les ascensions du col de Portet d'Aspet et du Menté. Le Menté est gravi à une puissance moyenne de 375 watts pour l'échappée et de 360 watts pour le peloton.
Le peloton aborde le Port de Balès avec un retard de 8min30s sur le groupe d'échappés. A l'avant, un groupe se constitue avec Kirchen, Arroyo et Tschopp. Leur puissance moyenne est de 378 watts sur la dernière portion du Balès. A l'arrière, les favoris reprennent du temps aux échappés. Sous la conduite de Boogerd, ils montent le Port de Balès à une allure très soutenue à 394 watts de moyenne. Au sommet, il n'y a plus qu'une vingtaine de coureurs dans la roue du Hollandais.
Dans la foulée, le col de Peyresourde est escaladé. Vinokourov part seul de l'échappée. Sa puissance moyenne atteint 406 watts. Cela représente une performance de haut niveau après une longue échappée. A sa décharge, il n'a pas pris beaucoup de relais dans l'échappée une fois constituée. Il a tout de même dépensé beaucoup d'énergie en début d'étape dans la montée du col de Port. Le groupe des favoris est emmené par Boogerd dans le col de Peyresourde sur un rythme soutenu à 430 watts. Il ne se passe pas grand chose avant les deux derniers kilomètres. Nous assistons alors à une série de démarrages d'Alberto Contador. Rasmussen, le maillot jaune revient à chaque fois dans sa roue. Contador effectue une sorte de séance d'entraînement de la puissance maximale aérobie de 5 fois 30s/30s en côte. C'est assez phénoménal surtout à la fin d'une longue étape de montagne. La puissance moyenne des deux grimpeurs atteint 465 watts sur les 5 dernières minutes de la montée. Celle-ci est un peu sous estimée car nous prenons l'hypothèse d'une vitesse constante pour nos calculs. Malgré tous ses efforts, Contador ne réussi pas à décrocher Rasmussen. En fait après chaque attaque, il ralentit et permet au Danois de revenir dans sa roue.
Contrairement à Lance Armstrong ou Marco Pantani par le passé, Contador n'est pas capable de soutenir une puissance aussi forte après un démarrage. La puissance moyenne de 465 watts le démontre. Sur des durées d'efforts équivalentes en côte, Pantani et Armstrong étaient capables de dépasser les 520 watts. On pense à leurs démarrages au pied de l'Alpe d'Huez: 1994, 1995 et 1997 pour Pantani, 2001 pour Armstrong. Sur ce type d'effort, il faut aussi être prudent sur l'interprétation des chiffres de puissance. Le matériel utilisé en effet peut jouer un grand rôle: rigidité du cadre, moment d'inertie, légèreté et rigidité des roues.
La puissance moyenne de Contador et de Rasmussen sur l'ensemble du col de Peyresourde est de 436 watts. Leur rythme très rapide sur la fin et une durée d'ascension plus courte que le plateau de Beille a compensé la phase d'observation en début de col quand Boogerd imprimait son rythme.
Par comparaison, en 2003, Vinokourov et Mayo avait développé une puissance moyenne de 447 watts sur l'ensemble du col de Peyresourde qui était aussi le dernier de l'étape comme cette année.
LES TEMPS ENREGISTRES ET LES PUISSANCES CALCULEES
16e étape, Orthez-Col d'Aubisque 218.5 km
C'est la deuxième fois que le col d'Aubisque sert de cadre pour une arrivée d'étape. En 1985, les coureurs escaladaient le versant est via le col du Soulor. Stephen Roche l'avait emporté. Cette année les coureurs devront en découdre le long du versant le plus difficile, depuis Laruns. Au début de l'étape, les coureurs doivent franchir 3 autres cols dont le Port de Larrau : un obstacle redoutable avec une portion de 10 kilomètres à 9,3%.
4 coureurs prennent les devants en début d'étape: Augé, Rinero, Garcia Acosta et Verdugo. Ils possèdent une avance de 8min50s sur le peloton au pied du Port de Larrau. Dès les premières rampes, Soler sort du peloton. Sastre, bien placé au classement général puis Mayo se joignent au coureur Colombien. Le peloton réagit, Paulinho et Popovych tentent de revenir sur le groupe de trois. Sur le site www.srm.de, des données de capteurs de puissance sont disponibles en direct. Pendant 10 minutes, le Portugais Paulinho grimpe à une fréquence cardiaque de 178/180 pulsations par minutes avec une puissance comprise entre 400 et 420 watts. Il est probablement au maximum de ses possibilités (voir ici). Il ne parvient pas à rejoindre les trois fuyards et doit relâcher son effort sur la suite du col à 350 watts.
Soler, Sastre et Mayo effectuent une montée époustouflante du col d'Eyrromendi à 422 watts de moyenne. 18 km/h sur des pentes à 10%. Au sommet, ils ne sont plus qu'à 3'32'' de Garcia Acosta et de Verdugo. Le peloton Rasmussen passe avec 1 minute de retard. A l'avant les deux Français Augé et Rinero ont été décrochés. Ils développent 354 watts de moyenne soit presque 70 watts de moins que le trio Sastre, Soler, Mayo. En 1996, les équipes Festina (Dufaux et Virenque) et Telekom (Riis et Ullrich) faisaient exploser la course dans ce col. Indurain et Rominger furent distancés. L'étape se terminait en Espagne à Pampelune. Leur puissance moyenne était de 395 watts, soit 25 watts de moins que Soler, Sastre et Mayo cette année. Il restait 100km à parcourir contre 140 cette année.
7 coureurs se retrouvent en tête dans la vallée en direction du col de la Pierre Saint Martin. Soler, Sastre et Mayo ont rejoint l'échappée matinale. L'écart avec le peloton augmente. Les Français Augé et Rinero sont lâchés dans le col de la Pierre St Martin. Au pied du col de Marie-Blanque, les cinq hommes de tête possèdent une avance de 3 minutes sur le peloton après avoir eu une avance maximale de 5 minutes. Le « rouleau compresseur » Rabobank s'est mis en route. Le peloton escalade le col de Marie-Blanque à une puissance moyenne de 410 watts. Il continue de reprendre du terrain aux échappés qui plafonnent à 370 watts. Au pied du dernier col l'Aubisque, les hommes de tête n'ont plus que 47 secondes d'avance.
A l'avant Sastre et Mayo lâchent Soler sur la portion la plus facile du col avant les Eaux-Bonnes. Derrière, le peloton débute l'ascension de manière extrêmement rapide. Menchov en tête développe 470 watts de moyenne pendant 8 minutes. Il roule à 30 km/h entre le carrefour de la route du Pourtalet et les Eaux Bonnes. La pente est de 4,9 %. A cette allure, les coureurs au milieu du groupe profitent de l'aspiration et leur puissance moyenne est plus basse que celle du coureur de tête. Popovych prend à son tour la tête après la traversée des Eaux-Bonnes et effectue un relais de 4 minutes à 485 watts.
Nous arrivons au début des forts pourcentages à l'altitude de 840m. Sastre et Mayo ont encore 22s d'avance. Leipheimer attaque, cela provoque la sélection. Seuls Contador, Rasmussen et Evans peuvent le suivre. Sastre et Mayo ont été débordés. Le rythme continue d'être élevé: 11 minutes à 450 watts. Contador tente de partir seul à trois reprises. Mais ses attaques sont moins tranchantes qu'il y a deux jours. Rasmussen le suit sans trop de difficultés. Ils ne sont plus que deux en tête : Rasmussen et Contador. Plus haut, les deux grimpeurs temporisent. Leipheimer en profite pour recoller. L'Américain mène mais à un rythme plus faible: 15 minutes à 400 watts. Sur la fin du col, Rasmussen part seul : il développe 450 watts pendant 5 minutes. Derrière, Soler effectue une bonne fin d'ascension: il dépasse Sastre.
Les quatre premiers de l'étape Rasmussen, Leipheimer, Contador et Evans améliorent la meilleure performance connue à ce jour sur la montée du col d'Aubisque. Virenque avait escaladé l'Aubisque en 44'40'' en 2000 lors de l'étape Dax-Hautacam. Rasmussen a escaladé ce col en 43'23'' soit 1'17'' de mieux. La comparaison s'arrête là car lors du Tour 2000, il fallait escalader la montée d'Hautacam après l'Aubisque. La puissance moyenne de Rasmussen de 428 watts montre que le Danois a réalisé une très bonne performance. L'étape était longue et nous sommes dans la troisième semaine du Tour de France. La grande performance du jour est cependant à mettre à l'actif du Colombien Soler qui malgré une longue échappée de 140 km très éprouvante avec 422 watts dans le Port de Larrau a développé 406 watts dans le dernier col.
Iban Mayo qui a accompagné Soler toute la journée a faibli dans la dernière montée avec 353 watts. Il aurait été plus logique de retrouver Soler et Sastre à ce niveau sur l'Aubisque.
LES TEMPS ENREGISTRES ET LES PUISSANCES CALCULEES
 
Bilan des Pyrénées :

Rasmussen et Contador ont montré dans les Pyrénées que le niveau des meilleurs grimpeurs est toujours très élevé. Ils ont développé trois fois de suite des puissances autour de 430 watts lors des dernières ascensions. On peut dire que Contador et Rasmussen ont un niveau proche des meilleurs grimpeurs du dernier Tour d'Italie : Di Luca, Piepoli, Simoni et Cunego. Ils restent cependant à un niveau inférieur en montagne à Ivan Basso ou Lance Armstrong. Ces deux grimpeurs ont des facultés d'accélérations assez étonnantes. Le niveau de leurs équipiers est remarquable également: Boogerd et Popovych en particulier ont été très impressionnants aux pied des dernières ascensions des étapes.
(*) Etalon de 78 kg avec vélo
Nous ne calculons pas la puissance réelle développée par les coureurs. Celle-ci dépend entre autre de la masse à élever pour vaincre la pente. Le poids des coureurs n'est pas toujours connu avec précision le jour de la mesure. Ils peuvent se déshydrater en cours d'étape et perdre quelques kilogrammes. Le nombre de bidons portés est variable. Pour toutes ces raisons, nous préférons calculer la puissance d'un « coureur étalon » de 70 kg avec un équipement de 8 kg. Cette valeur est utilisée pour faire nos comparaisons.

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