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Modernité de Robert Ezra Park. Les concepts de l'école de Chicago

Publié le 15 janvier 2009 par Anonymeses

Modernité de Robert Ezra Park. Les concepts de l'école de ChicagoModernité de Robert Ezra Park. Les concepts de l'école de Chicago, Sous la direction de Suzie Guth, L'Harmattan, Logiques Sociales, 2008

L'histoire de la sociologie américaine menée à Chicago est si riche et particulière que les découvertes concernant le parcours de ses membres sont toujours surprenantes, et incitent à la réflexion. Ce livre collectif nous y invite particulièrement en abordant l'oeuvre et le parcours de Robert Park. Il ne s'agit cependant pas d'une biographie stricto sensu, l'ouvrage se composant de trois parties, avec des contributions très diverses, certaines revenant sur le parcours intellectuel et professionnel de Park, d'autres sont composées de lectures de l'oeuvre de Park par des chercheurs contemporains.

L'article de Suzie Guth consacré à l'analyse de la formation intellectuelle de Park, de ses influences est très intéressant. Il replace l'approche des phénomènes collectifs de Park dans le contexte de son époque. Ainsi, Le Bon et Tarde sont deux auteurs français qui l'ont influencé dans ses réflexions. Sa thèse, Masse und Publikum, s'inspire davantage des travaux français et italiens qu'allemands. Park a fait sa thèse à Strasbourg, université dynamique, enjeu politique dans l'Alsace devenue allemande. L'influence de Simmel est connue et reconnue dans la naissance de l'école de Chicago, pourtant Park n'a semble t-il pas été influencé par l'auteur de Sociologie, étude des formes de la socialisation. Il n'a d'ailleurs pas fait sa thèse avec lui (Simmel est resté Privatdozent jusqu'en 1914, sans avoir le statut pour diriger des thèses), mais avec un philosophe très influent à l'époque, Wilhelm Windelbrand qui deviendra Recteur de l'université de Strasbourg. Il arrive à Strasbourg en 1900, il a trente six ans et son parcours universitaire est très divers. Après avoir étudié les lettres et langues, il s'est tourné vers la psychologie et la philosophie à Harvard, où il suit les cours de William James. Son enseignement de philosophie l'a marqué, puisque contrairement à la tradition de Chicago qui se caractérise par l'importance du travail empirique, Park progresse différemment. Son point de départ est la réflexion conceptualisée, celle-ci lui permettant ensuite d'organiser ses données factuelles. Pourtant, comme le remarque Jean-Michel Chapoulie, sa longue expérience de journaliste a donné à Park une expérience du monde social (il était amené à fréquenter les commissariats de police, les bas-fonds des grandes villes) souvent plus importante que ses collègues de l'université. Enseignant, il exhortait ses étudiants à aller fréquenter tous les milieux sociaux de la ville. De la même manière, son expérience de secrétaire de Booker Washington, un dirigeant politique noir avec lequel il a parcouru les régions rurales du Sud des Etats-Unis, l'a influencé dans son travail sur les relations interraciales. A l'époque de la ségrégation raciale, Park logeait dans les hôtels réservés aux noirs et a pu ainsi écrire « Je devins moi-même virtuellement pour un temps un noir ». C'est par la suite, en 1912, lors d'une conférence sur la condition des noirs, qu'il rencontra W. I. Thomas qui l'invita à enseigner un semestre à Chicago, alors qu'il a presque cinquante ans.

L'approche écologique que Park adapte pour comprendre le développement des grandes villes américaines de son époque n'est pas centrale dans l'ouvrage. Ses travaux de sociologie urbaine sont mieux connus, l'intérêt de ce livre est donc de compléter la connaissance de l'oeuvre de Park. L'article de Daniel Céfaï remplit cet objectif. Il se propose de revenir aux premiers travaux de Park sur la foule et le public et d'en montrer la pertinence aujourd'hui pour comprendre les phénomènes collectifs. Park explique le changement social en adoptant le mécanisme de l'écologie urbaine. Chaque mouvement social, il parle de « révolution à combustion lente », va modifier, de proche en proche, l'opinion publique et l'action politique. Les groupes d'une société appartiennent ainsi à un microcosme social, l'action d'un groupe entraînant celui d'un autre groupe, aboutissant à la constitution de ce que Park nomme un nouvel « ordre moral ».

Au final cet ouvrage est à conseiller à tous ceux qui veulent mieux connaître un des grands auteurs de l'école de Chicago. La variété des articles permet de choisir les entrées que l'on souhaite avoir concernant cet auteur.

par Benoit

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