Autour de quelques comédies américaines récentes
Les films sortent avec des titres français abscons. Ils sont mal distribués. On ne sait comment les vendre. Il faut se dépêcher pour les voir…
Pourtant, avec 40 ans, toujours puceau, Supergrave, Ron Burgundy, présentateur
vedette, Ricky Bobby, roi du circuit, Serial noceurs, Zoolander, En cloque, mode d’emploi, Les femmes de mes rêves ou Sans Sarah, rien ne
va, le cinéma comique américain offre le plus stimulant des renouveaux tandis que la comédie française populaire agonise dans sa bêtise crasse (voir l’affligeante bande-annonce et le pitch
du Agathe Cléry de Chatiliez).
Là où la critique intelligente (des Inrocks aux Cahiers en passant par Chronicart) commence à reconnaître à
ces films un intérêt véritable (parfois, quand même, sans véritable discernement), les salles de cinéma et les distributeurs traînent encore la patte. Trop subtiles, ces comédies ? On ne croirait
pas avec des titres pareils. Pourtant, dans pas mal d’entre elles – derrière le délire de l’argument et de certaines situations – on apprécie une belle empathie, une vraie tendresse envers
des personnages de losers attachants. C’est ce qui frappe le plus dans Supergrave, Tenacious D and The Pick of Destiny ou 40 ans, toujours puceau : il ne s’agit plus de
films bouffés par le cynisme, cette plaie qui gangrenait la comédie américaine depuis un paquet d’années. De l’humain, de l’étrangeté parfois, affleurent sous la vulgarité de surface. Il suffit
de bien regarder…
Si c’est dans le cinéma d’action que le cinéma américain se réinventa dans les années 80/90, c’est
aujourd’hui dans les comédies qu’il respire le mieux, le mélange entre les deux n’étant pas toujours, pourtant, des plus réussis (voir l’hybridation des genres, décevante dans le récent
Tonnerre sous les Tropiques de Ben Stiller, et insupportable dans l’épouvantable Délire Express de David Gordon Green). Ce doux revirement, on le doit aux défricheurs que furent
les frères Farelly (revoir Deux en un ou L’amour extra-large, œuvres discrètes et émouvantes en lesquelles s’origine le courant actuel), au mélancolique Wes Anderson, à quelques
acteurs/scénaristes passionnants (Ben Stiller, Owen Wilson, Will Ferrell, Jack Black) et, surtout, à un producteur/réalisateur – Judd Apatow – capable du meilleur (Supergrave), mais
aussi du pire (Rien que pour vos cheveux).
Dans ces films, à côté des stars quadragénaires issues du Saturday Night Live, de jeunes comédiens explosent
(mention spéciale à Paul Rudd), passant d’un film à l’autre, produisant un stimulant effet de troupe. Paradoxe, toutefois : il s’agit là bien plus de films d’acteurs ou de producteurs que
d’œuvres de cinéastes. Non, ne cherchez pas, pas de Blake Edwards dans le lot. Tout entiers au service de scénarios savamment échafaudés, les réalisateurs y semblent interchangeables, leur
personnalité – quand ils en ont une, forte – se diluant même parfois au contact de la bande à Apatow (voir le pauvre David Gordon Green, auteur du beau L’autre rive, sombrer dans une
Tarantinerie crétine avec Délire Express).
Et la musique dans tout ça, me direz-vous ? Eh bien, j’y arrive. Car la scène la plus drôle de l’année figure
dans Frangins malgré eux (Step Brothers), excellente comédie régressive d’Adam McKay. Où l’on apprend comment définir quatre personnages secondaires en une minute trente chrono
et une chanson. C’est la première apparition de cette famille dans le film. Une minute trente, donc, et on les déteste déjà. Ce sont aussi les Guns & Roses, dont le tant attendu ( ?)
Chinese Democracy vient enfin de sortir, qui en prennent pour leur grade. Et même si on vénère leur chef-d’œuvre, Appetite for Destruction, c’est, ici, absolument tordant.
Sweet Child of Mine vs Les Choristes. À ranger juste à côté de l’hommage à Bohemian Rhapsody dans Wayne’s World…