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Capodimonte

Publié le 24 janvier 2009 par Marc Lenot

C’est un musée splendide dans un palais au milieu d’un parc en haut de la ville, avec une vue superbe sur la baie et le Vésuve. Ses collections vont du 13ème siècle à la fin du 19ème, (plus quelques oeuvres contemporaines, hélas invisibles ce jour-là) et les salles en enfilade permettent mille découvertes. Plutôt que les Titien (ah, Danaé !), les Raphaël et les Carache connus de tous, voici donc quelques trouvailles au hasard des salles, avant de vous conter demain une autre découverte.

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La Crucifixion de Masaccio (1426), premier tableau qui s’impose à l’entrée des galeries. La Madeleine rouge, aux cheveux blonds répandus sur ses épaules et son dos, encadre de ses deux bras en équerre le corps du Christ. Son bras droit tend vers le coeur de Saint Jean, le gauche pointe la main droite clouée du Christ. Composition étonnante, structurée avec des lignes de force, des regards : la Vierge, sombre, en retrait regarde Saint-Jean, qui se penche vers Madeleine, dont les bras renvoient vers le haut, vers le Christ. La contre-plongée fait disparaître le cou du Christ, sa tête semble directement reposer sur son tronc.

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Ce Portrait d’un Gentilhomme (Giovan Battista Castaldi), de Michelangelo Anselmi (vers 1530) montre un des généraux de Charles Quint, un livre à la main, le regard droit. Mais l’intérêt du tableau est ailleurs : d’abord dans l’ombre portée à droite, précisément silhouettée comme un doublon, et surtout dans le jeune homme en rose et bleu/vert derrière le Condottiere. Pourquoi représenter dans un portrait un personnage de dos, s’éloignant, et, qui plus est, le représenter en partie hors champ, coupé, mi dedans mi dehors ? Est-ce en 1530 une manifestation d’étrangeté ? Y a-t-il d’autres exemples dans des portraits de représentation d’un Autre ainsi montré et dissimulé à la fois ? Quel sens peut-on y trouver ? Ce tableau m’a beaucoup intrigué.

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La fameuse Antea de Parmigianino (1524), courtisane qui fut sa maîtresse, paraîtrait réservée si la fourrure de la martre à l’oeil perçant ne baignait tout le tableau d’une sauvage sensualité. Le bras gauche est comme effacé, raccourci, déformation maniériste. La raie parfaite des cheveux, soulignée par une perle, fait écho au clivage des seins vers lesquels le regard du spectateur glisse, trompé par cette fausse symétrie. Cet artifice m’a rappelé une autre image, celle de cette prostituée mexicaine jaillissant du mur, où raie et décolleté se répondent pareillement.

Enfin, parmi cent autres, ce tableau de Guido Reni, Atalante et Hippomène raconte un moment de l’étrange histoire de ce couple où se mêlent compétition et séduction, désir impérieux et profanateur, et punition ‘léonine’ :

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c’est l’instant où elle s’arrête pour ramasser une des pommes d’or, le laissant ainsi gagner la course, sauver sa vie et obtenir sa main. L’élan aérien du corps d’Hippomène entraîne le spectateur vers la droite, mais le regard le ramène à Atalante, ramassée, en contrepoids de son concurrent. Les jambes se croisent, les bras se tendent, les étoffes volent. Les corps baignent dans une lumière étrange, violacée ou verdâtre. Apologie de la frivolité ? Méditation sur la vanité  des plaisirs (belle analyse ici) ? J’y vois plutôt la représentation d’un acte manqué, manifestation d’un désir qui ne saurait s’affirmer directement (virginité refoulée, envie de meurtre du prétendant) et doit donc passer par une faiblesse assumée, la pomme ramassée (une pomme, encore) et la course perdue. Et le sexe dans le temple de Cybèle participerait alors de la même pulsion destructrice. Ce tableau aurait-il pu inspirer Freud ?


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