Dans les expositions qui viennent juste de finir à la Maison Européenne de la Photographie, la seule pièce qui m’ait vraiment intéressé est ce Big Bang de l’Israélien Ori Gersht, présenté sur un palier incommode, mais ainsi vu de tous. C’est une nature morte, bouquet de fleurs dans un vase en verre, splendide; une légère brume semble flotter autour des fleurs. L’image est fixe, désespérément fixe. On entend des sons stridents (sirènes ? bombes ?). Et soudain le vase explose, les fleurs sont déchiquetées. Les débris retombent doucement, au ralenti pendant plusieurs minutes. La fumée de pétales et de tiges se dissipe peu à peu. Subsiste cette fleur blanche, indomptée, survivante au milieu des ruines. On regarde la date en se frottant les yeux, non ce n’est pas une vidéo d’hier, elle date de 2004. Cette irruption de la violence, cette tension entre image fixe et image en mouvement souligne cette belle métaphore de la résilience face à la barbarie.
C’est beaucoup plus intéressant que les stéréotypes culturels humanistes de Sabine Weiss (la joie des Français, la rigueur des Allemands, la mélancolie des Portugais, la musique des Gitans, etc..), et pourtant elle fait de très belles photos. Plus intéressant aussi que les expériences chimico-photographiques de McDermott et McGough, pourtant amusantes et didactiques à souhait.
Quant à Sipahioglu, qui, dans chaque cartel de ses photos de presse, rappelle qu’il fut là le premier, le seul, j’ai surtout aimé une de ses premières photos d’avant le reportage. C’est une grassouillette danseuse du ventre stambouliote attirant le chaland, sur une estrade devant un décor peint : il y a là une émotion, une tendresse, une complicité qu’on retrouve rarement ensuite dans ses photos de presse.Enfin, l’homme qui a reçu un milliard d’euros pour son ‘talent’, montre, en bas de l’escalier, une photo de Picasso à Notre-Dame-de-Vie, sa dernière demeure : tout ça pour vous dire, en passant, qu’on va pouvoir aller à Vauvenargues cet été.