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Où en étais-je ? Philippe Beaussant

Par Antigone

OUENETAISJEVoilà un roman (récit ?) qui commence tout innocemment... Un écrivain est assis à sa table de travail, devant sa fenêtre. Devant lui, au delà des carreaux vitrés, se tient la place du village. Soudain, une voiture rouge, incongrue, s'y arrête. L'écrivain, tout à sa concentration artistique, cherche un adjectif à attribuer au véhicule : "galbée" puis "belle Américaine galbée" sont des définitions qui lui viennent finalement à l'esprit... Heureux de sa trouvaille, il reste malgré tout circonspect devant cet engin rutilant, perturbateur de concentration qui gêne son regard. Il n'a qu'une envie, qu'on le laisse tranquillement écrire son livre, peuplé de personnages du XVII ème siècle , tout en continuant de s'inspirer des villageois qu'il observe, et c'est ce qu'il fait...
Mais lorsque la création finit par se mélanger au réel, l'écrivain prend peur !
Ce petit roman est un drôle d'objet, une sorte d'OVNI, un écrit produit entre deux temps, qui parle du temps justement, celui de l'écriture, du temps passé et du temps présent, et de la frontière étroite qui lie le réel à l'imaginaire.
J'en ai aimé la lenteur, le fouillis apparent, la chute. J'ai aimé suivre l'écrivain dans son quotidien d'écrivain, entre inspiration, réflexions et pauses romanesques. J'ai aimé aussi sa manière d'appréhender les figures de son village, les diverses perturbations qui viennent rompre le fil de ses pensées, son imaginaire burlesque. Malgré cela, il m'a manqué peut-être un peu de profondeur pour véritablement en apprécier la teneur sur toute sa longueur, car attention certains virages d'écriture peuvent sembler difficiles à négocier. Allez, soyons honnête, cet écrit m'a tout de même suffisamment intriguée pour désirer lire davantage Philippe Beaussant...

Un extrait...
"Les gens qui ne savent pas ce que c'est qu'écrire un livre disent "il rêve". Ils ont tort.
En musique, on appelle cela une "pause". C'est un moment extraordinaire, dont on ne mesure pas toujours la richesse. Rien ne se passe. Les instruments se sont tus. La chanteuse aussi. Et dans ce silence, dans ce vide, dans cette absence de son, résonnent les notes du dernier accord, qui sont encore présentes - non pas dans l'air, mais dans notre mémoire, durant cette seconde où les sons qui n'existent plus règnent sur ceux qui n'existent pas encore. Aucun instrument, aucune voix ne les a fait entendre, et déjà ils sont présents, aussi réels et aussi vrais que si nos oreilles avaient pu les percevoir. Leur existence est rendue indispensable, nécessaire. Comme si le souvenir du passé engendrait le futur. Comme si ce qui n'existe plus engendrait ce qui n'existe pas. Le silence, c'est l'un des plus étonnants miracles de la musique.
Je rêve, disiez-vous ?
Pardon. Où en étais-je ?
Mais justement... Si un livre, avec ses caractères, ses majuscules, ses italiques, ses paragraphes, pouvait dessiner ce qu'on pense et lui donner tout simplement une forme comme voulut faire jadis Apollinaire, il faudrait que je laisse ici tout simplement une demi-page blanche : la marque d'un vide."

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Note de lecture : 3.5/5

Merci Clarabel !


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