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Espion(s)

Par Rob Gordon

Espion(s)

Cinq ans qu'on attendait le premier long de Nicolas Saada, excellent critique et auteur en 2003 du court-métrage Les parallèles, petit chef d'oeuvre avec déjà Géraldine Pailhas. Cela valait la peine de patienter tant la réussite de cet Espion(s) est grande, à peine entachée par un certain manque de moyens (les quelques effets visuels font grincer des dents). Finalement, le plus gros défaut du film, c'est son titre, aussi grossier et incongru puisqu'il semble annoncer une intrigue à base d'agents doubles, d'identités multiples et de traîtrises tordues. Or il n'en est rien : s'il est bien un film d'espionnage, Espion(s) ne pratique pas ce genre de suspense, et propose une intrigue relativement épurée mais pas simpliste.

Si le film dégage une telle impression de simplicité, c'est sans doute parce que Saada n'a pas son pareil pour raconter une histoire et la mettre en place de façon efficace et attrayante. Il ne faut pas plus de cinq minutes pour que le héros passe de son statut de monsieur tout-le-monde à celui d'espion (ou plutôt de source, comme le précise son employeur). Et si le film dure à peine une heure et demie, c'est parce qu'il manie l'ellipse avec une finesse assez époustouflante. Ce sens aigu du rythme et de la narration rend l'ensemble excitant et original alors que le postulat est somme toute assez courant.

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Saada filme comme il raconte, c'est-à-dire de façon légère, aérienne, sans jamais avoir l'air de donner une quelconque leçon de cinéma. C'est à la fois beau et fluide, minimaliste mais plein de matière. La direction et le choix des acteurs est à l'unisson : Guillaume Canet trouve là son meilleur rôle, Géraldine Pailhas est parfaite comme toujours, et on est ravi de retrouver un type comme Stephen Rea, habitué de chez Neil Jordan, et qu'on avait un peu perdu de vue. Bien que ne reniant pas son identité française, Espion(s) est tout de même un film so british, qui pratique un humour si flegmatique qu'il est parfois difficile à percevoir. Les dialogues respirent l'amour de la langue, française comme britannique, et sont un ravissement pour l'oreille comme pour l'esprit.
Si les dix dernières minutes sont un poil moins parfaites que ce qui précède, c'est presque uniquement grâce au manque de moyen cité plus haut, qui nuit légèrement à la crédibilité de certaines scènes. Saada n'abusant pas de ce genre d'effets, il parvient néanmoins à captiver jusqu'au bout, et clôt avec brio ce film pas si mineur. On avait aimé le Nicolas Saada critique ; on adore le Nicolas Saada cinéaste. Qu'il nous revienne vite avec la même envie et le même brio.

8/10


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