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"Pickup on South street" ("Le Port de la drogue") : le film noir vire au rouge

Par Vierasouto
Samuel Fuller, 1953

Vu du vieux continent et surtout aujourd’hui, cette Série B "anti-rouges", typique de la période du MacCarthysme, outre son anachronisme, n’éveille pas l’empathie, c’est le moins qu’on puisse dire. Ce n’est certes pas là que réside l’intérêt du film sinon à titre documentaire. Pour sa version européenne, le contenu du microfilm, objet de toutes les convoitises, fut d’ailleurs modifié et le scénario complètement revu par la Fox qui ne voulait pas prendre le risque de présenter un film anti-communiste au public français (un comportement aujourd'hui controversé) : on remplaça les plans secrets par une formule chimique et on gomma totalement la dimension anti-communiste, ce pourquoi le film s’appelle en français "Le Port de la drogue" alors qu'il ne s'agit aucunement de drogue mais d'espionnage dans la VO… On passait ainsi d’un film d’espionnage mâtiné de polar à un polar noir. Le dvd Carlotta propose les deux versions, personnellement, j’ai vu la VO.

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Skip Mac Coy (Richard Widmark), pickpockett professionnel qui sort de prison, vole un portefeuille dans le sac d’une séduisante jeune femme (Jean Peters) dans le métro. Malheureusement pour lui, cette jeune femme est suivie de près par des agents du FBI qui pensaient remonter jusqu’à son chef soupçonné d’activités communistes. Le microfilm contenu dans le portefeuille ayant été volé, les services secrets et le chef communiste sont furieux, chacun ayant été mis en échec. La police fait alors pression sur Skip, qui ignore qu’il possède le microfilm, pour le forcer à collaborer.


Simultanément, dans sa drôle de cabane sur les quais, Skip, qui vit en ermite à la lisière de la ville de New York, reçoit la visite en service commandé de Candy, l’inconnue du métro, que son chef, vivant dans la clandestinité, a chargé de le séduire pour récupérer le microfilm. Mais ce couple réuni par le hasard de noirs desseins va s’enflammer et vivre une passion torride.

C’est un film d’une grande violence à tous les niveaux, violence des règlements de compte et des meurtres, violence érotique de l’attirance des deux héros qui succombent immédiatement comme projetés l’un contre l’autre, violence de la chasse aux espions communistes, eux-mêmes instrumentalisés et intégrés dans une hiérarchie impitoyable, par des fonctionnaires endoctrinés et bornés qui croient servir leur pays. Malgré tout, ce film antipathique a bien du talent… Le rythme soutenu, la noirceur des images en absolue correspondance avec la perversion des esprits, l’explosif couple Widmark/Jean Peters et le touchant personnage de l’indicatrice (Thelma Ritter) dont la mort est une scène superbement dure, enlèvent l’adhésion : on regarde ce film "rouge" (revendiqué comme tel par Samuel Fuller) avec un regard de cinéphile…


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