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La Bible de Souvigny - Son texte

Par Gérard Charbonnel @gcharbonnel

Chef-d'oeuvre de l'art médiéval en Bourbonnais

Pour son texte, la Bible de Souvigny dépend étroitement de celle de Clermont. Les deux manuscrits ont des particularités communes, notamment l'ordre des livres bibliques et le choix des préfaces. La Bible de Clermont est antérieure d'une quinzaine d'années et il semble même que la Bible de Souvigny ait été copiée sur celle de Clermont avec, toutefois, quelques enrichissements de textes. Deux copistes ont transcrit la Bible de Souvigny car on distingue le changement de d'écriture au feuillet 118v.

Mais la Bible de Clermont n'est pas d'origine auvergnate. Dans ses aspects et ses détails, elle est un pur produit de l'artisanat senonais. En témoignent son parchemin blanc, ses écritures arrondies, son décor filigrané de couleur rouge et bleue en alternance, son décor enluminé exécuté dans ce que l'on appelle le " Channel style ".

Ce style était très en vogue pour décorer les nouveaux textes " universitaires " de Pierre Lombard, Pierre le Mangeur ou de Gratien, ainsi que les livres bibliques diffusés depuis Paris, de Sens et encore d'autres centres durant la seconde moitié du XIIe siècle.

A Sens, la présence de plusieurs grandes personnalités a stimulé une production livresque importante entre 1160 et 1200 et de fait, la Bible de Clermont est le plus grand chef-d'oeuvre issu de cette cité archiépiscopale. Il n'est donc pas surprenant de retrouver dans la Bible de Clermont les mêmes types de feuillages, de lions, de visages ou d'ornements qui embellissent les manuscrits issus de Sens.

Qui eut donc l'idée de commander une bible à Sens pour la cathédrale de Clermont ? Sans doute le bienheureux Pons, évêque de Clermont entre 1170 et 1189. Auvergnat d'origine, ce pieux cistercien avait été abbé de Grandselve, puis de Clairvaux avant d'être élu évêque de Clermont. Défenseur du Pape Alexandre, auprès duquel il avait accompli plusieurs missions diplomatiques pendant le schisme, il était également apprécié de l'adversaire, l'empereur Frédéric Barberousse. Ami de Thomas Becket, Pons fit ajouter dans son sacramentaire les oraisons pour la messe de saint Thomas peu après la canonisation de celui-ci en 1173.

Pour quelles raisons Pons a t-il décidé de retourner à Sens pour faire fabriquer la Bible ? Ses anciennes amitiés ? Sa connaissance des artisans ? Une préférence esthétique ? Si l'on en juge par la qualité de deux peintures qui enjolivent le sacramentaire à l'origine, Clermont n'était pas dépourvu d'un artisanat local expérimenté. Enfin, d'où venait le modèle textuel : de Sens ou d'Auvergne ?

Ces questions sans réponses laissent toutefois penser avec une certaine certitude que la Bible de Clermont a servi de modèle textuel pour celle de Souvigny mais c'est dans une bien moindre mesure qu'elle en a inspiré les enluminures.

De fortes analogies existent entre les deux Bibles dont les initiales historiées des livres de Tobie, de Judith et de l'Apocalypse mais la plupart des initiales dans le volume subsistant de Clermont sont simplement ornées dans le " Channel style ". Visiblement, les artistes de la Bible de Souvigny rejettent ce style en faveur d'une grammaire ornementale et végétale plus souple. Ils rejettent aussi le vocabulaire filigrané de Clermont, plus rigide et répétitif dans son dessin et dans son alternance de couleurs rouge et bleue que le parti riant adopté sur chaque feuillet à Souvigny.

Ce qu'ils admirent et imitent en revanche, ce sont les rinceaux dorés et poinçonnés, le mélange foisonnant d'initiales champies à fond coupé ou écartelé et les lettres filigranées pour jalonner les chapitres et versets sur chaque feuillet.

D'après un texte de Patricia Stirnemman 


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