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Pixel sur homicide (et nuque brisée)

Publié le 30 janvier 2009 par Menear
Ces jours-ci réglés comme du papier à musique. Lundi-mardi-mercredi boulot. Jeudi-vendredi-dimanche écrire, écrire beaucoup, suivre sec les prévisions du matin, six heures par jour en règle générale. Dans les deux cas, je termine sur les coups de 17h30 ou 18h. Cette heure là comme une ligne jaune franchie : je n'ai plus rien à faire. Tout a été rempli. Tous les points de mon planning mental cochés un par un. Plus rien ne me presse. Le vide recouvre.
Écrire plusieurs heures de suite ça presse, ça use. On le sent passer derrière la nuque, même si habitué. Alors aux alentours de 17h30 ou 18h, j'ai envie de détendre ce qui me tire l'épaule jusqu'à l'omoplate. Alors j'allume la PS3, GTA4 à l'intérieur (c'est une histoire de sigle et de chiffres derrière).
GTA4 au fond je n'y joue pas, je ne suis pas l'histoire, le scénario, ça ne m'intéresse pas, ne m'a jamais intéressé. Je ne poursuis l'intrigue que pour pouvoir débloquer les parties manquantes de la ville, pour élargir la carte. Je ne remplis les missions que si je suis obligé, je coupe au plus court, je ne profite pas de cette partie du jeu.
Ce qui m'intéresse dans GTA4 (et avant lui tous les autres GTA auxquels j'ai joué, et avant ça la série des Driver), c'est de déambuler librement dans la ville modélisée grandeur nature. Croiser les gens qui vivent leur vie, pixels retournés. Rentrer dans les bâtiments lorsqu'ils ne sont pas en carton pâte. Suivre certaines voitures fantaisistes, voir en quoi consiste la patrouille des flics. Suivre les bons citoyens dealer au coin de la rue ou commander des putes. Découvrir les parties de la ville insolites, c'est à dire non bitume-béton-bitume-béton-croisement-feu-rouge. Et puis tuer des gens, bien sûr.
Voler le premier véhicule venu, rouler dans les parcs, avaler membres rouges et pare-chocs enfoncés, m'arrêter, balle dans le pare-brise taché hémoglobine, sirènes qui hurlent derrière, ambulance emboutie dans le mur, carambolage sur l'autoroute, carcasse cramée au lance roquette et cocktail molotov, flics enragés à cinq étoiles la poursuite, hélicoptères fondus-asphalte et pâles noirs déchiquetées façade d'en face, grue escaladée et passants snipés à trois cent mètres à la ronde, avion piraté-propulsé droit dans la couronne de la statue de la liberté, corps éjecté du cockpit écrasé huit cent mètres plus bas, projeté à travers le pare-brise écrasé contre le mur en face, nuque broyée sous la roue d'un quatre quatre, enjoliveur fumant encore entre les dents, corps tabassés passés par dessus bord de la marina, coups de pied dans l'estomac pixels vomis sur le sol, lame d'un couteau rouge sortie de carotide, cadavre écrasé au pied d'un stand à hot-dogs, odeur de moutarde-ketchup manquante.
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J'exagère. Un peu. Mais rien n'existe. Tout est banal, pixel. Tomber du dernier étage d'un building signifie simplement reparaître cinq secondes plus tard aux portes de l'hôpital le plus proche. Recommencer la tuerie quelques mètres plus loin, changer de quartier éventuellement. Ça détend. Ça défoule. On peut se permettre de gaspiller du temps à tuer des gens qui n'existent pas puisque tout à été correctement fait dans la journée. On peut se permettre. Mais une heure, pas plus. Après, c'est la lobotomie frontale qui guette, aspirée par les yeux et soufflée dans l'organisme : apathie décérébrée, on ne sait plus trop ce qu'on fait. Simplement rouler pour rouler et tuer à l'aveuglette sans même la beauté du geste.

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