Ca devient une habitude… Chaque année, fin janvier, sort un film dont je n’attendais rien, mais qui parvient à me surprendre, à m’enthousiasmer, à réveiller – si besoin était –mes envies de cinéma. L’an passé, j’avais pris une grosse claque avec Reviens-moi. Cette fois, le « choc » est nettement plus léger, mais quand même réjouissant, avec le Choke de Clark Gregg.
Le film est l’adaptation d’un roman de Chuck Palahniuk (*), le fantasque auteur de « Fight Club » et de « Monstres invisibles ». Il raconte les improbables tribulations de Victor, un « accroc au sexe » incapable de s’engager amoureusement mais multipliant les conquêtes d’un soir, qui tente vainement de se soigner, à sa façon, lors d’assemblée du type « sexooliques anonymes ». Outre ses activités sexuelles débordantes, Victor possède un travail (il se déguise en pionnier irlandais du XVIIIème siècle dans une sorte de musée vivant, en plein air) et un hobby, faire croire aux clients des restaurants dans lesquels il dîne qu’il est en train de s’étouffer. Il se trouve toujours une bonne âme pour venir le sauver et lui apporter toute sa compassion. Ce qui permet à Victor de garder le contact avec ses bienfaiteurs et leur extorquer de l’argent à la moindre occasion, en jouant sur leur côté charitable. Ceci lui permet d’assumer les frais d’hospitalisation de sa mère, atteinte d’un syndrome de démence proche de la maladie d’Alzheimer. Un jour, il rencontre une charmante femme médecin, qui lui propose un moyen de guérir sa mère. Une méthode peu orthodoxe, mais tout à fait dans les cordes de Victor…
Avec cette trame pour le moins loufoque, l’auteur aborde bon nombre d’obsessions contemporaines, comme les addictions en tout genre, la maladie, l’éducation parentale, l’hypocrisie des relations humaines, l’amour, le sexe – et ses déviances - , la religion, la préservation du patrimoine, le clonage humain… Ca part un peu dans tous les sens, en cherchant à bousculer les tabous et les conventions. Il en ressort une œuvre parfois émouvante, et souvent très drôle, grâce aux dialogues et au jeu des acteurs, tous excellents.
Sam Rockwell, comédien atypique trop peu utilisé par les cinéastes américains, est particulièrement brillant et charismatique dans le rôle de ce Don Juan paumé, ce looser magnifique. Face à lui, on retrouve Kelly MacDonald, qui apporte à son personnage de médecin sa beauté atypique et le côté un peu étrange qui lui convient, mais aussi la toujours épatante Angelica Huston, émouvante sans verser dans le pathos dégoulinant de mièvrerie . Plus toute une galerie de seconds rôles parfaitement campés, de Brad William Henke – le copain de Victor, tout aussi obsédé sexuel, et collectionneur de pierres ! – à Heather Burns – très drôle en bourgeoise adepte du sado-masochisme…
L’œuvre aurait pu être carrément géniale si la mise en scène était à la hauteur du contenu. Mais, là où David Fincher avait su restituer par son art de la réalisation et du montage le style foisonnant de Palahniuk dans Fight Club , le débutant Clark Gregg opte pour une transposition fidèle, et hélas bien trop sage. Ce qui aurait dû être provocateur, sulfureux et subversif se contente d’être « simplement » politiquement incorrect… Dommage…
Choke n’en demeure pas moins un divertissement tout à fait sympathique et mené sans temps morts, ni fausses notes, réussissant la gageure de porter à l’écran sans trop le dénaturer un bouquin réputé inadaptable. Et si les admirateurs de l’écrivain se sentiront peut-être frustrés de cette transposition sur grand écran trop «soft», les néophytes se plongeront avec délice dans cette trame narrative riche en rebondissement et en morceaux de bravoure iconoclastes.
Note :
(*) : « Choke » de Chuck Palahniuk – Coll. Folio Policier - Ed. Gallimard