Je relisais cet été un petit livre de poche trouvé chez un bouquiniste (Ebay et Amazon ne les a pas encore tous fermés !) qui s'intitule "L'aventure du Livre de Poche" avec comme sous-titre, L'enfant de Gutenberg et du XXème siècle ! Ce petit livre date de 1988, intéressant de faire un come-back 25 ans en arrière. Publié à l'occasion du 30ème anniversaire de la collection, il canonise en quelque sorte le phénomène, Giono dans une lettre en exergue qui date de 1958 "J'estime aujourd'hui que Le Livre de Poche est le plus puissant instrument de culture de la civilisation moderne". Ce livre, il doit s'agir au départ d'un rapport de stage qui a été enrichi, je pense, car c'est un voyage au coeur de la maison. C'est truffé d'anecdotes, cela sent délicieusement la réclame, on ne disait pas marketing encore, mais c'est diablement intéressant. Tout est abordé, choix des titres, fabrication, diffusion, distribution, contacts avec les libraires. On croise les grands patrons d'aujourd'hui, Bernard Fixot, Jean-Claude Lattès pour qui le Livre de Poche a été dans sa jeunesse "le 45 tours de l'édition". En fin d'ouvrage, des choses intéressantes qui raisonnent particulièrement à nos oreilles avec ces annonces de nouvelles générations de livrels en papier électronique. D'abord, il revient sur les réticences qui ont accompagné son démarrage, on lit dans le Mercure de France "ce qui nous est proposé, dit-il pour quelques francs aux éventaires des kiosques et des librairies, ce sont les oeuvres mêmes des grands noms de la haute culture, tout comme les grands magasins de la 6ème Avenue offrent aux petites bourgeoises américaines, reproduits en grande série, les modèles signés de la haute couture parisienne". Le journaliste se dresse contre cette culture "prétendument populaire". "La force du livre de poche, ajoute-t'il, revient à nous persuader que les oeuvres nous sont immédiatement données, que nous pouvons en disposer sans effort et les posséder sans avoir à y mettre le prix". Des échos du côté de Gutenberg et autres Wikisource, non? Même l'éditeur Jérôme Lindon, en mai 1972, dénonçait dans le Figaro l'action des livres de poche, accusés de nuire gravement aux auteurs, éditeurs et libraires en diminuant leurs revenus sans accroître le nombre des nouveaux titres imprimés ni celui des lecteurs. Comme on dit, que d'eaux ont coulés sous les ponts !!
Pour conclure, je prendrais les propos d'un article de Frédéric Ditis en 1976 dans la N.E.F, qui s'inscrit en faux contre ces accusations et porte le débat sur un autre plan : "Dès le départ, dit-il, le problème du livre de poche a été mal posé. Jusqu'ici ses critiques comme ses laudateurs ne se sont intéressés qu'à son contenu sans s'interroger sur sa nature. En réalité, tout ce qui singularise le livre de poche démontre que l'on ne ne trouve pas en face d'une variante des collections populaires mais d'un nouveau média... Une combinaison inédite des composants prix/contenu/emballage lui a donné l'impact suffisant pour faire sauter les barrières qui, jusque-là, avaient confimé le livre dans le domaine clos réservé à l'élite."
A méditer pour les prochains critiques et laudateurs des livrels à venir, n'est-ce-pas?