Vous l'aurez voulu, Violaine. Pour en finir avec Georges Gabory, voici le passage où il
traite des « mauvaises moeurs » d'après Proust -
et de sa générosité. Et tant pis
pour moi, je vais encore m'attirer les foudres des
contresainte-beuvéens.
Gabory vient de corriger
les épreuves de Sodome et Gomorrhe II.
"Proust me fit porter par
Odilon, le mari de Céleste, une lettre où il me
remerciait « infiniment d'avoir pris la peine de revoir
minutieusement » ses épreuves. « Minutieusement »!
J'avais laissé bien es coquilles, le texte m'intéressait.
A la fin de sa lettre, il me demandait si les « mauvaises »
moeurs (mauvaises entre guillemets) que l'auteur d'un livre récemment
paru sur l'affaire Fualdès donnait « comme
explication de l'assassinat » étaient « des
relations avec des femmes ou des hommes ».
"Je n'en savais rien, mais je savais
que, dans l'esprit de Proust, les « mauvaises »
moeurs, chez un homme, étaient « des relations avec
des femmes ». Déformation passionnelle; des
Sodomites et des Gomorrhéennes, il en voyait partout; il
défendait Baudelaire contre Gide ; « Comment
pouvez-vous douter qu'il pratiquât, lui, Baudelaire! »
Il avait demandé à Paul Morand si je « pratiquais »,
moi aussi, comme Baudelaire ou Fualdès, comme tout le monde.
L'homosexualité l'obsédait, saphisme ou uranisme, la
forme préférée, avide de surprendre une
« conjonction » féminine, et surtout
masculine, il poursuivait son enquête, un pied dans la tombe.
"Indiscret mais généreux -
bien qu'il fût loin d'être pauvre - il m'envoyait un
billet de cinq cents francs « ci-inclus »."
Georges Gabory
Appollinaire, Max
Jacob, Gide, Malraux & Cie,
Jean-Michel Place, 1988.