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Anthologie permanente : Henri Pichette

Par Florence Trocmé

Elle

La chambre où je m’endors est par la Mort hantée,
Elle a le long de moi l’air d’être contentée,
Nous ne disons mot, je la laisse à sourire,
Elle me sait fidèle et m’entend qui soupire.
C’est la Mort, elle est mienne et voudrait des enfants.

  1954

Poème du cœur blessé

J’ai tôt lâché la main de mon enfantelette,
  Pourtant nous nous chérissions bien.
− Notre mansarde était un foyer de fauvette...
  J’ai tout gâché, pis qu’un vaurien.
Le chagrin reste entier dans mon âme incomplète.

L’amour que nous avions l’un pour l’autre, ma chère,
  Tel un fil d’or il a cassé.
Les chardons se sont mis dans nos deux cœurs en guerre,
  Je reviens comme un grand blessé
Prenant place parmi les rois de la misère.

Le mouton chaud laineux qui sa toison voit fondre
  Sous les coups de ciseaux certains,
Est-il  plus frissonnant que moine qu’on vient tondre ?
  Au mystère des jours éteints
L’aveugle a plus que moi de chances de répondre.

Je cherche qui je suis, ce que l’on est au monde,
  Quel est le pourquoi des saisons.
Suis-je une loque rouge en noyade profonde ?
  Je vertige aux quatre horizons,
Ainsi l’ivrogne pris d’une nausée immonde.

Sans possible sommeil, mon traversin plein d’armes,
  J’ai mendié la paix aux morts.
J’ai dit aimer quelqu’une, et l’ai laissée en larmes.
  Ma vie est noire de remords,
Même la neige y tombe avec de lents vacarmes.

  1958

Henri Pichette, Dents de lait dents de loup, Gallimard, 1962, nouvelle édition, 2005, p. 57 et 69.

Contribution de Tristan Hordé

Henri Pichette dans Poezibao :
Bio-bibliographie, Dents de lait, dents de loup (extrait 1), Les ditelis du rouge-gorge (extrait 2), extrait 3


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