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L'horrible réalité du monde de la santé ...

Publié le 05 février 2009 par Christophe Laurent

L'actuelle polémique autour du livre de Pierre Péan « Le Monde selon K. » mettant en cause la moralité ou l'intégrité de Bernard Kouchner, ministre d'ouverture en charge de la diplomatie française, icône parmi les icônes, véhiculant l'image de l'homme au sac de riz m'a conduit à lire des articles sur une question connexe portant sur la responsabilité sociale et éthique des entreprises de l'industrie pharmaceutique de rang mondiale.

L'explosion des dépenses de santé dans les pays dits développés ont permis à cette industrie de réaliser des chiffres d'affaires colossaux à nous faire frémir en ces temps de crise - Pfizer (48,6 Md$), GlaxoSmithKline (44,2 Md$), Hoffmann-La Roche (42,2 Md$), Sanofi-Aventis (40,7 Md$) et Novartis (39,8 Md$) - et dont des études prospectives laissent penser que cette manne financière va continuer à croitre pour atteindre d'ici 2020, d'après une étude de PriceWaterHouseCoopers, 1300 Md$ (« Pharma 2020: The Vision - Which Path Will You Take? »). Ce chiffre est d'ailleurs hors de portée de notre imagination. Dans le même temps, on apprend que l'entreprise GSK se réorganise et licenciera 850 emplois en France d'ici 2012 sur les 6 000 salariés du groupe soit environ 14% des effectifs tandis que dans le même temps la page 'emploi' de son site affiche sans vergogne un slogan qui apparait pour le moins  contradictoire « il n'existe pas de croissance durable et responsable dans une entreprise sans développement des collaborateurs dans l'organisation » ! Que voilà de jolis mots ! Il n'est pas certain que les salariés du site d'Evreux apprécient à sa juste valeur ce bel engagement digne d'une politique de développement durable mûrement réfléchie et structurée. A lire les déclarations inquiétantes rassurantes de la direction de GSK (« GSK ne quitte pas la France, on ne va pas vers du low cost »), ils devraient pourtant comprendre qu'il s'agit de garantir un développement durable aux collaborateurs qui resteront et non pas comme le dénonce le syndicat CGT d' « assurer un taux de profitabilité optimum pour les actionnaires ». A moins que la CGT ne voit juste ... et on fait alors le lien avec l'étude de PwC !

Sur une autre thématique portant elle aussi sur la responsabilité sociale de l'entreprise, la Recherche et le Développement (R&D) de nouveaux médicaments, enjeu stratégique d'ampleur depuis que le secteur ne peut plus espérer développer son chiffre d'affaire sur la vente des blockbusters, il apparait que ce secteur R&D est loin de s'inscrire dans une démarche éthique et respectueuse de principes fondamentaux. Le développement d'un nouveau médicament impose ainsi plusieurs phases de tests avant mise sur le marché dont la dernière d'entre elles doit se faire sur l'être humain. Cette dernière phase de tests est particulièrement sensible aujourd'hui pour le secteur pharmaceutique car des dérives assez graves ont été constatées ces 30 dernières années et ont provoqué pour certaines de véritables scandales.

On pourra voir ainsi « Réflexions sur certains facteurs à scandale dans l'industrie pharmaceutique »), ou l'histoire de ce médicament qui soigne le cancer qui passe malheureusement à la trappe pour des questions de manque de rentabilité non que le médicament aurait été trop cher à développer mais parce qu'au contraire existant déjà il ne coûte presque plus rien et ne rapporterait pas beaucoup ! Ces dérives sont accentuées par le fait que l'industrie pharmaceutique cherche par tous les moyens et notamment ceux de la loi (quel plus beau rempart !?) à échapper à sa responsabilité et aux sanctions juridiques pouvant déboucher sur l'épineuse problématique de l'indemnité des personnes victimes. (Voir à ce sujet « L'industrie pharmaceutique veut une immunité totale pour les effets indésirables »)

Pour en revenir au secteur de la R&D, ces dérives, particulièrement sensibles dans les pays développés ont amenés les entreprises pharmaceutiques à développer la partie sensible des test sur les êtres humains dans les pays en voie de développement là où la réglementation est moins forte, où le pouvoir en place moins regardant et où les individus attirés par la perspective d'une rémunération « facile » n'apprécient pas à quelle hauteur le fait de servir de cobaye humain induit une prise de risque qui n'est pas négligeable. Là où l'histoire devient inqualifiable c'est quand par exemple lors « de certains tests sur des médicaments de lutte contre le sida (...) les patients sains qui devenaient séropositifs durant le test n'étaient pas pris en charge par la suite par le laboratoire » alors que ces mêmes médicaments étaient développés pour les populations des pays développés ! (Voir article sur Novethic).

Alors quand je vois Bernard Kouchner se démenait pour expliquer que toute sa vie durant il a œuvré pour améliorer le sort des populations du sud, je suis tout à fait prêt à le croire, et son parcours le montre suffisamment. Mais quand il se sent obligé pour se défendre au journal télévisé de nier certains faits comme celui qu'il a appartenu aux entreprises Imeda et Africa Steps et que le lendemain à peine un magazine produit une photo laissant présumer de lanière forte qu'il a bien fait partie de ces eux entreprises (Voir article de Challenges « la photo qui dément les propos de Bernard Kouchner »), je me souviens de ces débats qui ont eu lieu il y a encore peu sur le fait de savoir si le champ de santé était un secteur marchand comme les autres ou non. Et je me dis que le citoyen lambda que je suis et que nous sommes est d'une grande naïveté. Il ne s'agit pas pour moi ici d'enfoncer Bernard Kouchner - certaines attaques de Pierre Péan semblent avoir de mauvais relents - mais le parallèle entre cette icône égratignée et ce monde de l'industrie pharmaceutique qui engrange des milliards sans se préoccuper de sa responsabilité dans le développement de l'être humain m'apparait soulever question.

Alors que le champ d'activité de la santé devrait être celui où le respect d'autrui, l'application des principes de responsabilité sociale, d'éthique, de développement durable constituent des axes forts de l'action des entreprises et des responsables les plus en vue, on s'aperçoit que c'est tout le contraire. Nous avons encore du chemin à parcourir ... pour devenir enfin responsables !


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