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C'était notre terre, Mathieu Belezi

Publié le 07 février 2009 par Antigone

c__tait_notre_terre"...un père qui n'a servi à rien ne peut pas s'attendre à être aimé"

Dans C'était notre terre, nous partons à la rencontre d'une famille de colons, en Algérie, une famille propriétaire d'un domaine étendu, nommé Montaigne... Cette famille, ce sont les Saint-André. A sa tête, un couple mal assorti se déchire, un couple marié par intérêt, Ernest et Hortense. Avec eux cohabitent leurs trois enfants, Antoine, Marie-Claire et Claudia, trois personnages aux caractères, aux goûts et aux ambitions bien différentes, contraires. Ensuite, près d'eux, à leur service, se terre une servante kabyle, Fatima, qui n'a qu'une crainte, être la dernière survivante de l'enfer qui les attend dans cette région, à la veille de l'indépendance. Un choix s'imposera bientôt à eux tous, d'une manière ou d'une autre, fuir, rester ou mourir.

Difficile de juger ce livre sans émettre un avis sur le fond. Je l'avoue donc d'emblée, il m'a été impossible d'adhérer aux désirs et agissements des personnages de cette histoire, présentés comme des colons exploiteurs et des parents négligents. De plus, beaucoup d'exactions, commises pendant les conflits, sont à la limite du supportable. Et pourtant, ce livre est bon, et même très bon, et cela est sans doute dû à sa forme, originale. En effet, il y a dans ce récit, présenté par l'éditeur comme un "roman choral", quelque chose d'extrêmement fascinant et de beau. Un même évènement est conté successivement par les divers protagonistes, des passages en italique psalmodient des phrases lancinantes, envoûtantes, qui donnent à ce roman tout son caractère. Les personnages sont brossés avec minutie, par touches régulières qui permettent une approche intime de leurs sentiments. Ce souffle d'écriture là est une marque de talent, à ne pas s'y tromper.

Un extrait...
"puisque c'était pour vivre ce que je vis à présent, je voudrais bien ne jamais être née
une veilleuse brûlait dans la cuisine, les ronflements de Fatima répondaient à ceux de mon père, Orca venait me renifler les jambes, je prenais sa tête dans mes bras, j'embrassais ses babines et écoutais le vent d'hiver jouer avec la girouette, je n'avais plus envie de dormir
comme en cette autre nuit de Noël où je me tiens debout à la fenêtre d'une maison qui n'est pas la mienne, regardant les collines d'un pays qui n'est pas le mien, mangeant et buvant plus que je ne voudrais face à l'imitation vert empire d'un sapin de Noël démontable, jouant les amnésiques afin de ne pas troubler la mémoire récurée de mes propres enfants
rien que pour cela je voudrais ne jamais être née
cherchant mon souffle telle une naufragée, jouant les amnésiques, regardant les collines
rien que pour cela je voudrais ne jamais être née
oui, comme en cette autre nuit de Noël où je me tiens debout, là, vieille et usée, là, vieille et tremblante, là, pauvre immigrée à bout de nerfs et qui n'aspire qu'à rejoindre son pays
mon pays, père, mon beau pays
qu'à retourner dans sa patrie, qu'à."

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Note de lecture : 4/5

Un livre lu dans le cadre du grand prix des lectrices de

BOOKPAGES
2009
Catégorie Roman

ISBN 978-2-226-18669-0 - 22 € - 12/2008 

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