Ce matin, la neige virevolte et tombe de façon aussi dense que dans ces estampes japonaises de Kunisada et je ne peux m'empêcher de faire un petit clin d'œil osmotique à Cacoune qui est ici et nulle part ailleurs !
De mon bureau, j'ai une vue légèrement plongeante sur la rue et j'aperçois les parapluies penchés, recouverts peu à peu par la neige. Deux passantes ont cette démarche attentionnée, hésitante et légèrement courbée pour esquiver les flocons qui savent si bien s'infiltrer dans les vêtements, un manteau bleu de prusse et un délicat kimono gris-vert. Un passant (?), vêtu d'un manteau plus épais, arrive en sens inverse, poussé par le vent, une lanterne à la main. La neige envahit le paysage cotonneux et ouaté, bientôt le chemin s'estompe sous le voile blanc ...
Cette estampe "Neige abondante à la fin de l'année" (ci-dessus) comme celle-ci du même artiste "Hiver" (ci-contre) font partie des estampes japonaises collectionnées par Claude Monet qui en était un grand amateur.Force suggestive et simplicité du trait, avec des petits points ronds pour évoquer les flocons de neige dans ces deux estampes, avec pour le triptyque le trait rehaussant le bandeau blanc qui suffit à évoquer le chemin, avec le vent qui s'engouffre dans les vêtements et qui referme un parapluie ce qui nous fait sentir la tourmente de neige, avec pour l'autre estampe la patte du chien relevée, comme interrogatif, qui doit sentir qu'il s'enfonce dans le sol, avec l'écharpe que la femme tient dans sa bouche, ses mains étant occupées à relever sa robe et à tenir son parapluie.
Style à la fois dépouillé et essentiel, il me semble à chaque fois, devant les estampes japonaises, goûter un instant d'éternité qui ne se reproduira plus ...
"La fenêtre se découpait sur un ciel uniformément gris, d'où tombaient, comme des pivoines blanches, de gros flocons accourant droit sur eux, eût-on dit, dans un silence harmonieux et paisible qui avait quelque chose de surnaturel" Kawabata, Pays de Neige.