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La petite fille de la terre noire

Par Rob Gordon
La petite fille de la terre noireIl conviendrait de parler de film mineur, mais cela ressemblerait à un vilain jeu de mots. On qualifiera plutôt La petite fille de la terre noire d'oeuvre modeste, pas tant par les moyens dont elle dispose que par le profil bas dont elle fait preuve à chaque image. Le coréen Jeon Soo-il a beau décrire la descente aux enfers d'une famille partant déjà de bien bas, il parvient à éviter tout misérabilisme, filmant l'ensemble avec une infinie délicatesse. Ce n'était pourtant pas évident avec des personnages pareils. Un père mineur contraint de stopper le travail en raison de problèmes de poumon et qui sombre peu à peu dans l'alcool. Son fils, né onze ans plutôt mais aux facultés proches de celle d'un enfant de trois ans. Et la soeur de ce dernier, la fameuse petite fille du film, héroïne de 9 ans qui tente de maintenir sa famille à flot. De quoi craindre un propos moraliste et misérabiliste, alors qu'il n'en est rien.
Car comme Jacques Doillon le fit dans Ponette (la Ponette en question étant encore bien plus jeune), le réalisateur épouse le regard de son héroïne, qui a à la fois conscience du drame qui se produit mais qui n'en saisit pas tout à fait la gravité, trop jeune pour réaliser que tout cela n'est pas vraiment normal. C'est ce décalage avec notre vision d'adulte qui produit ce petit miracle : malgré le sordide de certaines situations, c'est presque une impression de légèreté qui se dégage du film. Un temps en tout cas : car La petite fille de la terre noire a tout de même une vraie dimension sociale, montrant notamment que la perte d'un emploi peut conduire très rapidement à la rupture du lien social. Rongé par une santé précaire, abattu par le manque de moyens, le père perd pied, laissant sa progéniture livrée à elle-même. Jeon filme avec une simplicité très émouvante la détresse de cet homme perdu, qui transmet son manque d'illusions à des enfants sans grand espoir. Même s'il manque un peu d'élan dramatique, malgré un dénouement un peu trop évident, voilà un film extrêmement touchant, qui n'a sans doute pas volé son prix au festival de Deauville en 2008.
7/10
(également publié sur Écran Large)
(autre critique sur Une dernière séance ?)

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