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Mes géniteurs, ces curieux parents venus d'ailleurs

Par Theclelescinqt

Mes géniteurs, ces curieux parents venus d'ailleurs


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Quand vous devenez parent, vos parents deviennent eux-mêmes grands-parents. Normal. Mais lorsque vous avez eu l'opportunité de goûter à la curiosité d'une enfance un peu "space", spéciale, quoi, il y a de grandes chances que cette particularité soit explicable par le caractère sans conteste "space" de vos parents, ce qui donnera, à n'en pas douter, des grands-parents un peu "space", et des relations familiales un peu "space".

Voilà, on en est là. Ne cherchez pas plus loin le pourquoi du fait que je sois un peu spéciale. C'est que j'ai commencé jeune et que j'ai été à bonne école.

Ainsi mes parents n'avaient pas vraiment décidé de devenir parents, surtout mon père, et je n'ai pas mis dix ans à le comprendre. Je sais très bien pourquoi je suis au monde : c'est que j'ai été conçue avant 1975. A partir de cette date les têtes de linotte avaient la pilule de manière légale, à moins de vivre dans un coin de Poitou bien reculé...

Ah ben je serais peut-être venue au monde quand même, finalement.

En ces temps de majorité à 21 ans, une belle petite tête de linotte ambitieuse ne mettait pas non plus très longtemps à comprendre que lorsqu'elle tombait enceinte avant ses 21 ans, par l'opération de la faute à pas de chance, et qu'elle travaillait déjà dans un petit bureau avec son bac G en poche (à l'époque le bac valait encore quelque chose), on ne pouvait pas vraiment faire moins que la marier avec le tourtereau en question, qui s'exécutait la plupart du temps, des fois que les voisins auraient jasé. Mademoiselle gagnait de un à deux ans de liberté et pouvait enfin commencer sa vie de feeemmmme!

Mais ça j'ai mis un peu plus longtemps à le comprendre.

Tout ça pour expliquer que n'avoir qu'une vingtaine d'années de différence avec ses parents, cela fut space, dans mon cas. J'ai eu beau secouer dans tous les sens je n'ai obtenu qu'une écume de parentalité à moitié adolescente, pas mûre du tout, expérimentée en pas grand chose et surtout considérablement dépassée par une adolescente normale : une mère toujours gamine ayant fait son mai 68 en 85 et un père définitivement pas concerné. Je me demande même s'il me répondait quand je lui adressais la parole. Un jour je suis allée le voir avec la boule à presque zéro, moi qui avais fait la girly toute ma vie, mais il n'a pas relevé non plus. Il aurait peut-être fallu que j'arrive à poil dans son bled des Deux-Sèvres, avec des talons aiguilles, pour qu'il me lâche un "Ben qu'est-ce t'as?" Je crois même que je l'ai fait, d'ailleurs, mais passons...

Vingt-six ans plus tard l'annonce de leur future grand-parentalité a été folklorique. Ma mère a fait la blasée pour laquelle c'était bien normal de mettre un bébé en route.  Mais au fond, pour elle qui n'avait pas réussi à refaire sa vie, et à laquelle j'amenais donc un gendre qui se situait en âge pile entre elle et moi, si vous me suivez, la nouvelle a fait l'effet d'un breuvage vénéneux. Je la vois assez peu depuis mes seize ans, mettons quelques fois par an, mais pendant un sacré bout de temps j'ai entendu des "Mais je n'ai pas la tête d'une grand-mère!" sur tous les tons. Elle s'est alors mise en demeure de faire un bébé elle-aussi, et quand il s'est avéré que là pour le coup elle était trop vieille pour le corps médical (mais pas pour elle), elle a essayé de se tourner vers l'adoption. Quand vraiment ce fut clair que cela ne marcherait pas, madame a enfin daigné s'intéresser d'un peu plus près à sa "descendance", mes moutards. Quant à mon père, il faisait le grand surpris par la nouvelle du siècle. Il venait peut-être aussi de comprendre qu'il avait eu une fille, si on y réfléchit. Parce que, jusqu'à présent c'était pas bien clair.

Qu'est-ce que j'y peux, moi. Si j'avais pu choisir, je n'aurais pas pris une mère encore adolescente (ni un père tocard.)

Enfin bref, voilà ce que j'ai obtenu comme grands-parents, et ce avec quoi j'ai décidé de faire avec. Ne croyez pas que je crache sur eux. Non, je n'ai été ni trop battue, ni vraiment maltraitée, on m'a envoyée à l'école sans rien comprendre aux maths et chez le médecin à la fin de l'émission de foot. Voilà, je suis arrivée à l'âge de 18 ans en bonne et due forme mais un peu bancale quand même. Mais c'est tout. Ils ont rempli leurs obligations syndicales, quoi. Mais jamais il ne me viendrait à l'esprit de prendre mon téléphone pour leur faire part de mes chagrins, de mes joies ou même de mes simples impressions. J'ai bien essayé mais j'ai toujours été déçue. Je n'essaie plus, et ce depuis des années.

On dit souvent que la grossesse change le caractère d'une femme. La douce et gentille sort ses griffes, l'agressive devient bonnasse, la speedée se calme un grand coup et la mollassonne s'active.  Etant dotée d'un fort bon mauvais caractère, votre servante s'est alors métamorphosée en brave fille bien pondérée. Je me suis mise à ne pas sortir leurs quatre vérités aux gens, à ne pas hurler comme une tarée sur tout ce qui bouge ou qui hurle aussi, à vouloir que les choses se passent bien. J'ai même eu la prétention de comprendre mes beaux-parents, et de maintenir un petit lien téléphonique avec mes géniteurs, c'est dire!

Et cahin-caha, mes enfants ont grandi, avec leurs grands-parents maternels au téléphone et en live quelques fois par an. Mais il ne faut pas toujours en attendre grand chose. Cela fait belle lurette qu'aucun de mes gamins ne babille dans le combiné du papy Gaston, parce que ce dernier s'étonne toujours de ne "rien comprendre". Bah oui, dans la société génétiquement modifiée qui nous attend les mioches maîtriseront l'art de la syntaxe dès leurs 18 mois, mais c'est pas encore. Alors en attendant si le babillage t'emmerde, eh bien c'est terminé. Il y a des grands-parents qui aiment ça, d'autres qui ne comprennent rien.

J'ai "bien aimé" aussi l'épisode du papy qui sort dans la rue sans fermer la porte, et sans rien regarder autour de lui, tandis que le gamin de toujours 18 mois sort à sa suite, et se retrouve sur la route dans un virage, avant que je ne me mette à hurler et que mon mari saute par la fenêtre pour cueillir le chérubin. Merci, papa.

L'épisode du grand-père qui se viande le cul par terre en ratant le fauteuil derrière lui, clope au bec et bébé dans les bras, a été aussi un grand moment.

La grand-mère qui demande à sa fille, au troisième petit enfant, quand elle va "reprendre le boulot", parce qu'elle ne peut pas "faire la bonniche toute sa vie", et si dans la foulée elle va entreprendre "un régime amincissant" était aussi un pur chef-d'oeuvre de délicatesse. Remarquez, ses doléances et ses marques de compassion à mon égard à chaque annonce de grossesse auraient bien pu me faire deviner ce qu'elle en pensait vraiment, si j'en avais eu quelque chose à battre. Car, chère mère, je compte être une sale pouffe inculte et obèse ornée d'une serpillère et d'un flacon de Cif ammoniacal jusqu'à la fin de mes jours, parce que je trouve ça amusant.

Finalement, être une mère de famille nombreuse était un acte militant dans mon cas, je viens à peine de le comprendre, grâce à vous, chers lecteurs, et ce au bout de 35 ans seulement! Les méandres de la psy à deux balles sont vraiment impénétrables, mais vraiment efficaces. Donc premièrement il faut juste que j'arrête complètement de me plaindre, et que deuxièmement je me vautre une bonne fois dans ce bonheur sans nom de la mère de famille nombreuse au foyer si heureuse de son sort. Après je n'ai plus qu'à trouver un job très intéressant et à être toujours très heureuse avec mes loupiots.

Et ils en avaleront leur chapeau.


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