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"Morse"

Par Loulouti


Ma journée au cinéma hier est à marquer avec une énorme pierre blanche. Après l’excellent "Vendredi 13" j’ai le bonheur, que dis je l’immense privilège d’assister à la projection de "Morse" réalisé par Tomas Alfredson.

"Morse" ne bénéficie pas d’une publicité outrancière dans les médias. Mais le long métrage, après avoir décroché des récompenses à Gérardmer (Grand Prix et Prix de la critique) continue son petit bonhomme de chemin là où il est présenté. Hier matin la salle était pleine et quand je suis sorti il y avait déjà au moins une cinquantaine de spectateurs qui attendaient pour la séance suivante preuve que le bouche à oreille fonctionne à plein régime.

Le long métrage venu de Scandinavie a un argument de poids irréfutable : il est de qualité, d’une race que peu d’œuvres possèdent. A coup sur un film qui va passionner les cinéphiles les plus exigeants.

Oskar est un petit garçon introverti qui est le souffre douleur de certains des élèves de son école. Préférant jouer seul dans la cour de sa résidence dans la banlieue de Stockholm, il voit débarquer sur son pallier Eli, une nouvelle voisine. Le comportement de la jeune fille intrigue Oskar dès les premiers jours. Eli ne sort qu’à la nuit tombée.

Des morts sanglantes et des disparitions mystérieuses se produisent dans les environs. 

Oskar est bien décidé à découvrir la vérité. L’horrible vérité va rapidement se faire jour.

A chaque fois je me dis que les scénaristes ont fait le tour de la thématique du Vampire et du Vampirisme et à immuablement je me retrouve piégé. De part le monde il y a des hommes et des femmes capables d’injecter du sang neuf (très facile !!!) à un genre cinématographique et littéraire qui n’en finit plus de m’émerveiller.

L’œuvre du romancier John Ajvide Lindqvist est adaptée de manière brillante par Tomas Alfredson. Amies spectatrices et amis spectateurs : le long métrage ne joue absolument pas la carte du sensationnalisme et des effets spéciaux grandiloquents.

"Morse" a au contraire un atout de taille : son réalisme. Les attributs traditionnels du vampirisme sont rangés au placard. Point de gousse d’ail ni de crucifix, point de miroir sans reflet ni de pieu dans le cœur. Seules l’hyper sensibilité à la lumière et la sensation physique de faim liée à l’absence de sang sont évoquées de manière crue mais sans avoir le besoin de s’y appesantir pendant tout le film.

Le film baigne dans une vraie ambiance de cinéma. Rien d’artificiel ni de gratuit. Tout fait vrai. Cette banlieue de Stockholm à la limite du sordide et une population aux portes de la sinistrose et de l’ennui, des conditions climatiques draconiennes sont que nous nous immergeons dans un univers âpre et rude. Ce sentiment de réalité nue est accru par une musique fascinante, obsédante qui nous entoure d’un étrange linceul. Par moments on a l’impression  de voir évoluer les personnages entre la banalité d’une réalité ennuyeuse et un univers merveilleux, inquiétant, oppressant, sorte d’entre deux mondes ouateux.

La deuxième dominante de ce long métrage est sa capacité à susciter de l’émotion chez le spectateur. La relation qui unit Oskar et Eli est l’une des plus belles du cinéma d’aujourd’hui. De ce lien naît une histoire d’amour absolument touchante. On arriverait presque à être sous le charme permanent si on oubliait que la petite fille de 12 ans (qui les a depuis longtemps selon ses propres dires) est une redoutable et sanguinaire prédatrice.

Elle utilise dans un premier temps un mystérieux personnage (son père ?) pour l’abreuver puis quand celui-ci fait défaut, elle s’atèle elle-même à la tâche.  Une union platonique qui cimente le destin d’un humain et d’une créature de la nuit sans jamais verser dans les lieux communs. Par petites étapes successives Oskar et Eli apprennent à se connaître, envers et contre tous.

En toile de fond nous sentons poindre des préoccupations qui pourraient concerner des jeunes gens plus tout à fait des enfants mais pas encore des adolescents. Le thème de la différence traverse le film de part en part de manière subtile.

Les scènes gore en sont nettes et précises. Pas de sentiment ni de caricature. Quand Eli s’abreuve de sang, l’acte est concis, brutal et nous surprend par l’horreur que le fait sous entend. Notre intellect a du mal à se faire à l’idée qu’une gamine de 12 ans puisse être en réalité un monstre de détermination. Mais "l’humanité" du personnage qui prend sa source  dans cette idylle qui naît renverse bien des barrières.  

L’histoire en elle-même est à la base fantastique mais le metteur en scène a su en tirer la quintessence par une mise en scène rigoureuse et appliquée. Le souci du détail est omniprésent.  Les dialogues sont d’une finesse incroyable même si les échanges sont brefs.

La qualité du long métrage tient aussi à la qualité de ces deux jeunes comédiens. Kare Hedebrant (Oskar) nous touche par la fragilité qui se dégage de son personnage. Lina Leandersson (Eli) impose à la fois sa timide réserve de jeune fille et la force de la créature assoiffée de sang qui sommeille en elle. L’osmose est parfaite.

"Morse"  est un long métrage original, inventif, hors du commun, plein de finesse et réalisé de manière précise et efficace. J’ai vu ce long métrage en un jour de Saint-Valentin et je trouve que le moment était opportun tant la relation qui unit Oskar et Eli est unique, intemporelle. L’émotion dans sa plus pure et basique fut au rendez vous.

Je vais peut arrêter de dire cela trop souvent mais ce fut l’un des moments de l’année. Le cinéma peut distraire avec une histoire sanglante de prime abord, mais empreint d’une certaine poésie universelle.


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