Magazine Culture

L'Amérique au panthéon rock, part XVII

Publié le 16 février 2009 par Bertrand Gillet


L’histoire du rock n’est qu’un agrégat de légendes urbaines qui permirent sans doute, avec le temps, à des formations mineures d’échapper provisoirement aux limbes de l’oubli. Morgen pourrait être ainsi rangé dans cette catégorie. Les oubliés du rock dont on arrive à parler à force de recouper révélations singulières et indices insolites. À la base de cette thèse un nom. Pas celui d'un groupe mais celui d’un musicien, Steve Morgen dont l’unique fait d’arme aurait été d’avoir enregistré en 1969 cet opus sur le label Probe, filiale d’ABC. Il semblerait que ce Steve Morgen ait un rapport avec Steve Cataldo, auteur d’un autre mirifique Lp mystérieusement intitulé Saint Steven en 1969. Le bonhomme est aussi crédité en tant que leader de Front Page Review, la similitude des voix sur les deux productions confirme cette information. Le plus troublant dans cette affaire qui transforme une honnête tribune rock en agence de détective privé à l’usage des geeks, façon Rigby Reardon, fut la découverte d’une mention, discrète mais décisive : Steve Morgen a semble-t-il participé aux sessions d’enregistrement de Saint Steven. D’où l’étrange mais au combien palpitante déduction : Steve Morgen et Steve Cataldo ne sont en réalité qu’une seule et même personne. Même année d’enregistrement, même label, tout corrobore cette révélation. Mais point de preuves matérielles tangibles. Seul un élément pourrait être ajouté au dossier qui donnerait du grain à moudre à mon enquête. Steve Cataldo fut homme à cultiver le mystère autour de lui. Saint Steven, patronyme personnel ou représentant le groupe ? Quant à Morgen, rien sur la couverture ne vient éclairer l'affaire.  En guise de portrait robot, nous n'avons que le célèbre tableau de Munch, Le cri. Aucun crédit, aucune photo n’apporte un semblant de bout de réponse et même si la voix du chanteur n’a rien de comparable avec celle, plus suave, de Cataldo, le doute persiste. Car enfin, Steve Morgen/Cataldo pourrait occuper la seule fonction de guitariste solo. Quelques blogs américains accréditent cette thèse sans pour autant fournir les détails tant espérés qui manquent à cet article, mais la légende urbaine s’est ainsi progressivement nourrie des flous et des témoignages ambigus donnant à l’album une aura supplémentaire, un lustre inattendu. Ce qu’il faut de magie en somme pour que les légendes survivent à leur créateur, pour qu’elles puissent susciter trente ans après la curiosité du collectionneur/mélomane. Le rock a réussi ce tour de force, qu’il soit inspiré par les grands noms ou les seconds couteaux. Et la musique que cet album renferme tel un coffret enfin retrouvé ? Celle-ci est juste sublime, pleine de fureur, de cris, ménageant ces espaces sonores rassurants qui laissent souvent présager d’autres explosions soniques. La musique est un cri qui vient de l’intérieur, triste de paraphraser Lavilliers, mais ce Lp pourrait faire sien l’adage du seul voyou qu’ait engendré la variété française. D’abord par sa pochette sus nommée, puis par ses guitares qui sont comme autant d’éclaircies tonitruantes dans le ciel chargé du rock. De Welcome To The Void, sublimé par les hoquets possédés du chanteur ,aux atermoiements électriques de Love, épopée rageuse et inquiétante, tout dans cette production sans concessions relève du chef-d’œuvre. Fou. Bref. Roboratif. Incandescent. Légendaire.
La semaine prochaine : The band

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Bertrand Gillet 163 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog