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Anthologie permanente : Amy King

Par Florence Trocmé

 

 

I’m the man who loves you

La trame du foulard s’est nouée sans que je sache
s’il s’agit d’un compliment ou d’un point de fait,
ce qu’à tort on prend souvent pour le point de rosée
où se ramollit la neige et nous nous énervons à propos de menues
fautes glaçantes, telles qui sauta au juste devant nos tricycles
fonçant dans les flaques ou comment
se fait-il que le croissant soit passé de rassis à rance –
avant, j’allais faire une croix sur cette phrase-là
puis battre en retraite à ma grotte Guggenheim de la planète, Manhattan;
seulement, ma naissance hésite concernant
les liens des orphelins – tel astre est simplement trop grand
pour en faire le tour, en proscrire l’accès au métro République juste
pour l’instant, nous vivons aux Pays Invalides qui jadis
appartenaient au peuple qui ne s’en disait pas propriétaire
de toute façon, mon chien, je l’ai baptisé au nom de l’avenir, sauf que
je ne me souvenais plus alors comment nous l’aurons appelé,
aussi le temps, par ce biais, régit-il nos saisons mentales:
j’ai commencé la journée à célébrer l’heure de ma conception
et l’abandon simultané de l’inexistence absolue;
je me suis vêtue d’une longue aube noire pour me lancer dans le monde
des femmes, parmi mes frères femelles sachant cultiver
l’esprit d’une encre parfois sympathique et de cierges aux âcres mèches;
J’ai compris alors qu’il fallait empêcher les microbes de mon corps
d’envahir l’esprit, car ils sont astreints à l’expulsion
de la pensée qui me distinguent eu égard à ma définition essentielle,
l’aspect de la personne qui dépasse s’en foutre plein les poches
et faire semblant que tout va pour le mieux;
je me glisse dans cet écrin de phrases ineffacées,
j’habite une boîte qui habite un tiroir avec des tirets
désignant les parties prof, puis femme, puis sud de moi-même
une première analyse du corps avec notice biographique,
un tissu d’aveux transparents repousse la plupart de mes amants,
un peu comme ce langage artificiel, quoique je m’applique
à une veine assez masculine que l’on peut ouvrir à force
de patience, mais se dilate plutôt qu’elle ne se contracte en style de voix
permanent, exemple: j’aime le Kleenex, beaucoup moins le papier au rabais,
plus grossier encore est l’essuie-tout à remplir pareille fonction,
de couleur et d’épaisseur variables selon domicile et niveau de vie,
mais peut-être devrais-je considérer un truc qui me ressemble moins
qu’il ne va vers toi à tâtons: aujourd’hui ton coeur a déjà été blessé,
un étau le tient en place sans qu’une machette monstre puisse
le dégager afin qu’on joue au badminton avec dans le jardin
de Newton, où la Chinoise ramasse des canettes vides la nuit,
toutes les nuits, de la nuit au lendemain, dans ce quartier,
je contemple son éloignement depuis le troisième
puisque plus loin qu’elle je n’ai jamais avancé
vers la compréhension d’un être humain au point d’un foulard
qui offre sa chaleur dans la mesure du serré autour
de son cou découvert ou de masque au nez contre d’éternels éléments.

Amy King, I’m the man who loves you, traduction inédite d’Alexander Dickow.

Version originale du poème dans la suite de note.

 

 

Notes du Traducteur sur Amy King et « I’m the Man Who Loves You » :

Bio-bibliographie

La traduction française du poème d’Amy King, « I’m the Man Who Loves You », a été lue par son traducteur Alexander Dickow lors de la lecture-rencontre d’Argol Editions, le 2 février 2009 au Café l’Arbalète, en compagnie de Christian Prigent, Daniel Franco et Dickow

En plus de ses autres travaux d’écriture, Dickow traduit plusieurs poètes américains, dont Amy King, Aaron Belz, Ana Bozicevic-Bowling et plusieurs autres poètes amis et admirés.
La version originale du texte présenté ici est d’abord paru sur le weblog d’Amy King, sous le titre « A Scarf is a Sure Sign » (un foulard est un signe certain), article du samedi 9 décembre 2006.
I’m the Man Who Loves You, livre éponyme par Amy King, est disponible chez BlazeVOX Books. Ce livre a fait l’objet de nombreuses recensions, dont celle du traducteur, parue en anglais sous le titre « Rare artifice » sur le site de poésie international, Jacket:Cette recension contient un bref commentaire du poème « I’m the Man Who Loves You ».
« I’m the Man Who Loves You » est aussi le nom d’une chanson du groupe américain Wilco (Yankee Hotel Foxtrot, 2002).

Contribution d'Alexander Dickow

i’m the man who loves you

 

The history of the scarf is in knots and I don’t know
if that’s a compliment or a fact-finding gesture,
which is often mistaken for the moist point where
things turn damp and snowy and we get worked up over tiny
cold mishaps such as who jumped in front of our toy cars
racing through puddles or why
has the muffin meant for breakfast grown from stale into hard—
I originally meant to throw that sentence away
before retreating to my Guggenheim grotto on the planet, Manhattan ,
but over the connection of orphans,
my birthday hesitates—some stars are just too large
to orbit and prohibit from the subways of free speech just
as it turns out, we inhabit an invalid country, one that once
belonged to another people who never claimed to own it
anyway, I named my dog for the future except
I couldn’t remember what we’d all been calling her by then,
and as such, the bias of time takes over our mental conditions:
I began this day by celebrating the hour of my conception
and a simultaneous abandonment of complete non-existence;
I put on my long black dream and stepped into the world of women
to live among my female brothers who know how to grow
up on ink that occasionally vanishes & candles that eat at the wick;
I understood then not to let the germs that occupy my body
infiltrate my mind because they are programmed to dislodge
the thoughts that set me apart as a matter of defining my essence,
that aspect of personhood that surpasses stuffing wads
of cash into every pocket while pretending nothing’s wrong here;
I put myself into this box of unerased sentences,
I live in a box that lives in a drawer with arrows pointing
out the professor then female then southern parts of me
on initial examination of a body and accompanying biography,
a series of transparent confessions turns most of my lovers off,
so does this type of artificial language, though I adhere
in something of a masculine vein that can be coaxed open but
is more often dilated then narrowed into a permanent voice-style
for example, I like tissue, Kleenex, less so bargain paper, even rougher
are the paper towels that attempt the same job exactly,
which varies in thickness and color depending on income and location,
but maybe I should look at something that’s not as much me
as it gropes towards you: your heart’s been wounded before this time,
a vice grip holds it in place and no super-sized machete will
pry it loose to be used as the birdie in badminton on Sir Newton’s
back lawn, across which the Chinese woman collects cans all night,
each night, overnight, in my neighborhood,
I watch her distance from my third floor window
since she’s the closest I’ve ever come to understanding
a human being in the measure of a scarf that shares its warmth
to the degree of tight to loosely tied around her
open neck and also as a mask for her nose against eternal elements.

 


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