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La fille sans qualités de Juli Zeh

Par Sylvie

 

 

 

 

 

 

Editions Actes Sud, 2007

Ce roman d'une jeune allemande né en 1974, paru au printemps dernier, a été considéré comme un événement littéraire.
Premier avertissement : si vous n'aimez pas les grandes phrases philosophiques décrivant le monde de façon très pessimiste, passez votre chemin ! Car Juli Zeh se pose comme l'héritière de Nietzsche et de Robert Musil, l'auteur de L'homme sans qualités. Nous vivons sans un monde qui a perdu toutes ses valeurs et bien sûr toute morale ; le nihilisme est roi. La vie et les règles qui la régissent ne sont plus qu'un jeu....
470 pages de très haut vol, âpres, difficiles sur lesquelles on butte souvent ; on se dit  : que d'assertions philosophiques ! Puis, de façon magique, on referme le livre puis on se dit quand même : quelle histoire ! Quel chef d'oeuvre !
Juli Zeh met en scène une jeune fille marginale, Ada, qui à 14 ans, est revenue de tout. Elle ne croit plus en rien. Se tenant à l'écart des autres élèves, elle est remarquée par ses professeurs pour son extrême intelligence. Dans un lycée de la dernière chance, au début des années 2000, elle va faire la connaissance d'Alev, autoproclamé arrière-petit-fils de Nietzsche, pour qui la vie n'est qu'un jeu : tous les deux, ils vont exercer un chantage sexuel sur leur professeur d'allemand, émigré polonais, Smutek. 
Sous la pression, il rencontre Ada tous les vendredis dans le gymnase ; les ébats forcés sont filmés avec délectation par Alev ...
 Le professeur, représentant de l'idéalisme démodé, des anciens principes moraux, au départ réticent, va peu à peu se laisser prendre au jeu. Et si ce jeu n'était qu'un instrument de libération individuelle ? 
Et si, par dessus les règles de ce jeu pervers, se dévoilaient peu à peu des sentiments insoupçonnés ? Les rapports de force pourraient peut-être s'inverser...
Le tour de force magistral de Juli Zeh est d'écrire sous couvert d'un roman nihiliste, sans aucunes valeurs, un récit de la renaissance du sentiment. Certes, la réflexion prime ; mais affleure à la fin les sensations et le semblant d'un optimisme.
Deuxième coup de maestro : cette histoire profondément amorale nous est contée par une narratrice qui n'est autre que Sophie, la juge en charge du procès qui doit juger de ce qui s'est passé entre ces trois personnages : l'introduction plante le décors, sans nous raconter l'histoire, la juge expose ses doutes et son refus de distinguer le bien et le mal de cette affaire ; comme elle le dit "les motifs étaient si insolites que les instruments juridiques entre les mains de la froide Sophie paraissaient aussi adaptés qu'un marteau et un burin l'étaient pour créer un site Internet. " C'est donc l'instance suprème, censée distinguer le bien du mal, qui s'avoue incapable de reconnaître le mal !
Elle s'en remet à Dieu, aux grands principes mais en reconnaissant en digne héritière de Nietzsche que Dieu est mort. La phrase centrale du livre est sans aucun doute :
"le bleu du ciel n'est plus que la couleur du couvercle en carton d'une boîte de jeux"
Le jeu, dont les règles sont à définir à priori, ont remplacé les grands principes. C'est le perdant du jeu qui est coupable !
Ne vous arrêtez pas à ces principes philosophiques magistraux qui peuvent rebuter (mince, alors, pour mes vacances, j'ai pris un roman prise de tête !!!). Car derrière cela, il y a aussi une formidable histoire que l'on n'oubliera pas de si tôt !
Il ne faut pas oublier que l'Allemagne est le pays de la philosophie ! Tous les plus grands écrivains, que ce soit Thomas Mann ou encore Hermann Hesse, ont parsemé leur oeuvre d'assertions philosophiques. Il faut s'accrocher mais on ressort  de ces lectures profondément grandis. 
Voici quelques citations  :
"Et si la Bible, la Constitution et le Code Pénal n'avaient jamais été davantage à leurs yeux qu'un mode d'emploi, un ensemble de règles pour jeux de société ? Si la politique, l'amour et l'économie n'étaient pour qu'eux une compétition ? "
"Comme si l'âme était le siège du bien ! Une âme, c'est un espace creusé en forme de spirale traversé par une balle de revolver, autrement dit : "une blessure mortelle"Où est l'âme quand les Allemands se dirigent au pas cadencé vers les quatre points cardinaux pour accabler la moitié du globe ? "
Et tant d'autres encore que je vous laisse découvrir...


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